jeudi 29 décembre 2011

Esquive ( 2 )


Il avait
Le bagout du marin
Et le regard des sages
Des filles en grappes
Sur les genoux
Je crois qu' il s' amusait
De cette danse de sioux
Et cette façon que tu avais
D' éviter les miroirs
Il a guetté le premier frisson
Enroulé
Ses torsades à ton cou
Tu l' as remercié d' un sourire
Puis d' un doigt sur la bouche
Ailleurs toujours
Avant que d' être
Sous tes dents
Crissait déjà
Le sable de l' esquive

Au bout du quai
Paris poissait dégueulasse
Tu as fait venir Son visage
Pour dissiper tes brumes
Et puis tu as pensé
Au matin mauve
En baie de Somme
A la place vide
A ton sillage
De marées basses
Et de lits froids
...

Là-bas s' éteignait le fanal
Piqué de noms d' oiseaux
Et de poissons volants

mardi 27 décembre 2011

Esquive


Le geste fut si doux
D' ouvrir votre chemise
Et poser dans mes mains
Ce qui battait dessous
J' ai attendu longtemps
Ce mouvement des épaules
Laissé ma peau
Contre vos lèvres
Au fond d' un verre d' alcool
N' emportant que mes os
Ma cage
Le nom
Que vous m' aviez donné
La plage était une coursive
Où faire pisser
Sa solitude
Quand la lune dépitée
Relevait ses filets
...

vendredi 23 décembre 2011

Krav maga

Va savoir pourquoi le nom fit aussitôt surgir devant mes yeux l' image d' une tribu Mongole, avec ses yourtes, ses hommes aux pommettes saillantes montés sur de petits chevaux solides. J' ai entendu le vent des steppes, senti sur mes lèvres le goût âcre de l' aïrag. Roulé dans la prairie parmi des enfants hilares...
Une fois de plus, les mots se riaient de moi: le Krav maga est à la quiétude des nomades ce que le néon clignotant de cette salle des fêtes de province est au soleil levant sur les cimes de l' Altaï: entre eux, un désert plus grand que celui de Gobi...

Le Krav maga c' est un truc pas très compliqué. Il suffit de taper sur quelqu' un, indifféremment jeune, vieux, mâle ou femelle, bref, de cogner le plus fort que tu peux avec les poings, avec les genoux, les pieds et tout ce qui te tombe sous la main, chaise, table, tesson, caillasse... Tu peux continuer de frapper la personne à terre, mordre ou casser un bras, même tenter le coup du lapin si tu es d' humeur badine. C' est la meilleure réponse au langage de la rue a dit celui qui se prenait pour le chef, encourageant ses soldats qui se foutaient sur la gueule devant nos sourires crispés. Génitales était le mot qu' il hurlait sans cesse dès que l' un d' eux oubliait de soustraire son pauvre piaf à l' oeil sanglant du rapace.
Pour que l' on comprenne vraiment bien, il avait mis au point tout un tas de petits scénarios très drôles, sortes de westerns citadins, où un gros plein de fric se débattait comme un brave, face à une bande de voyous armés de pistolets en caoutchouc. Self défense rapprochée oblige, le gros, malin comme tout, jouait l' affolé, tripotant ses poches en balbutiant ok mec je te donne tout, le code, la carte et quand la petite frappe qui y croyait dur comme fer ( l' imbécile..) tendait le bras, vlan, un grand coup asséné dans ses génitales lui faisait regretter d' avoir laissé pendouiller sans défense ce qui, il y a deux secondes à peine, était encore un objet de fierté.
Une vague nausée m' envahit et je fermais les yeux. Ne pouvant m' extraire sans risquer la prise d' otage, je comptais les coups comme des moutons qu' on mène à l' abattoir, jusqu' à ce qu' une voix providentielle annonce le dernier combat.
L' intrigue ne différait guère des précédentes devant l' éternelle tirette à billets et j' aurais pu réciter les dialogues par coeur ( ton fric enfoiré, magne-toi putain...) tant je commençais à en maîtriser la substantifique moëlle. C' est alors que celui qui jouait le gros malin, emporté par son élan, se mit à crier ok mec, je te donne tout, le code, la carte et..et... ne me fais pas de mal, j' ai un gosse moi, j'ai des femmes!
Aïe ! La sienne, la vraie était dans l' assistance. A la voir, comme ça, on la devinait aussi pourvue d' humour que son mari de talent en matière d' improvisation théâtrale.
Je n' ose imaginer la façon qu' elle eut de lui prouver, en coulisses, qu' elle avait bien compris la leçon...
Sans doute en resteraient-ils là de leur progéniture...

lundi 19 décembre 2011

Du vent



Sur mon visage en désordre
La pluie trouve ses chemins
Et plus bas
La mer monte
Sous la peau même
Il fait gros temps
C' est une langue de colère
Que je ne veux pas apprendre
Qui mélange les histoires
Les sourires
Les étoiles
Brise l' aile de l' oiseau
Se moque de la terreur
Du mousse
Vois
Nous ne sommes plus rien
Qu' un bateau dans la nuit
Un chêne et son esquisse
Que le vent
D' un sursaut
Couchera
Sur le flanc
...

vendredi 16 décembre 2011

Pays sage


Pêcheurs
Aux gestes suspendus
Sous un vol d' oies sauvages
Comme un jet d' encre
Sur un ciel pâle
L' ocre doux des murailles
Des marées de noyers
...

Demain les brumes
Relèveront leurs robes
Pour offrir leurs îles
Aux enfants de l' été

dimanche 11 décembre 2011

Naître ( 3 )


Si je n' étais pas née
Devenue matière douce
Sexe de fille
Et seins d' éphèbe
Qui aurais-tu trouvé
Ce matin là
Pour dégeler tes mains
Sous quelles paupières closes
Glissé tes ciels d' orages ?
J' étais à l' heure
Au rendez vous
J' avais arpenté d' autres corps
Brouillonné des baisers
Pour éloigner la peur
Croisé tant de regards
Dans le miroir des solitudes
Cousu mon ombre à mes chevilles
Dénoué mes sourires
A mesure que le temps
Me rapprochait
De Toi

Pour une caresse seulement
Entre mes cuisses et plus profond
Pour ces trois mots qui tanguent encore
J' avais prié à ma façon
Le dieu bouffeur de figues
De me cracher
Comme un pépin
Des nues
...

jeudi 8 décembre 2011

Naître ( 2 )


Mes poings serrés
Formaient un coeur
Au bout des bras
J' ai frappé fort
Le ventre dur
Glissé comme un caillou
Je voulais novembre et le pourpre
Et la brume en trousseau
L' odeur des feux de feuilles
Les grandes épousailles
Des fumées blanches et du ciel noir
Naître là
Dans ce matin signé
Par le vol d' un busard
Longtemps j' ai fixé
De mes yeux incertains
L' oblique de son piqué
J' ai su voler je crois
Avant mon premier pas
...

lundi 5 décembre 2011

Aphone



Mais quelle langue parlons-nous
Qui ne saurait plus dire
Le coeur battant

De la digue rompue, faut-il que l' oasis soit mangée de silences
Que les ronces en canif sur nos lèvres éprises
Gercent d' un sang mauvais nos mots en devenir
Rappelle-toi comme la soie
Tissait nos peaux
Aussi nos gorges

Le reste n' est qu' ennui
Au mieux
Littérature
...