mercredi 30 mai 2012

...


Je ne vois que le dos
Et la nuque en sueur
Mais jamais le visage
De l' étranger qui trace
Des sillons dans mes nuits
Des fenêtres
Aux emmêlements des forêts

Puisqu' ainsi tu me veux
J' irai déshabillée
Sous ma robe d' écume
A l' instant où les corps
Ne seront qu' une vague
Je t' apprendrai
A tutoyer les nues
Loin du sang caillé
Des regrets

dimanche 20 mai 2012

Ventre vide




Coeurs tracés
En pagaille
Et ces baisers soufflés
Comme des bulles de savon
Juste derrière
La vitre
...
Danse
Mon ange danse
Sur les pentes du volcan
Des fumerolles
Plein les mains
Mais l' oeil à la vigie
Fais teinter tes breloques
Au chant clair des fontaines
Jette un sou
Assassin
Au grand briseur de rêve
Habille toi d' enfance
Et puis reviens poser
Demain si tu y penses
Ta tête comme un soleil roux
A la combe
De mon ventre
Vide
...

à Camille

 


mercredi 9 mai 2012

L' auberge

Il y avait là quelques messieurs comme il faut, attablés devant un verre de vin jaune auquel ils ne touchaient pas...
Elle a  refermé la porte et  elle a dit  c' est pour dîner puis s' est dirigée vers la petite table carrée, à côté de la fenêtre tandis que, prestement, le garçon enlevait le deuxième couvert, la laissant seule face à la chaise de celui qui ne viendrait pas.
Elle a commandé à boire, très vite, alors seulement les vagues que formaient la voûte briquetée se sont figées, comme sa peur, en poutres de sel.
Dans son dos, de l' autre côté des battants, une assemblée prenait place autour d' une table en U, c' est ainsi qu' elle l' imaginait, tandis que dansaient devant ses yeux les nappes blanches sur prés verts des jours de communion de son enfance, dont elle percevait les bribes de discours interminables, ponctués de rires en grelots.
Les messieurs comme il faut ( l' un d' eux veste prince de Galles à petit col noir ) se sont levés l' un après l' autre, avec des lenteurs de fauve, salué avec la politesse un peu désuète des hommes d' un autre temps, laissant  place à la  nuée de martinets aux bras chargés d' assiettes et au sourire figé.
Elle se croyait seule, ne l' était pas.
Un couple installé à quelques tables d' elle, buvait sans trinquer, trois mots jetés tombés à plat quand on a fait le tour de l' autre, qu' on mastique en silence en évitant de regarder ces doigts qu' on emmêlait hier, sur les nappes en papier des palaces à quatre sous des amours débutantes, des trois étoiles au fond des yeux...
Et l' homme la regarde, je veux dire elle.
Furtivement d' abord, puis de manière appuyée, presque gênante. Il la trouve à son goût, sans doute, mais plus encore, c' est son mystère qui l' attire. Il voudrait capter son regard, chercher dedans qui elle est, ce qu' elle fait là, quelles lèvres d' homme ont laissé ces marques à son cou, quelles déchirures ces cernes au bord des yeux, quelle solitude ces gestes las et quels espoirs ce sourire en coin...
Dans la salle à côté le ton monte. On a tombé la veste. Les rires se font plus gras.
Elle paye et sort. L' homme ne gardera d' elle qu' un bonsoir en murmure.
Dehors, le ciel n' en finit pas de s' ébrouer.
Lumière mauve entre les gouttes.
Elle jette un dernier regard sur le vieux saule qu' on aurait dit planté sur une île, à la rondeur de fève...