mercredi 31 octobre 2012

Passer l' hiver


C' est un chagrin
Que je ne peux te dire
Car il est vaste comme la mer
Quand elle penche
Et voudrait déverser
Tout son sel par mes yeux
Plus cinglant
Qu' un ciel de décembre
Quand il pleut des cailloux
De la tourbe
Plein nos bouches
C' est un chagrin d' enfant
Qui arrose de larmes
Les bleus de ses genoux
C' est la même main stupide
Venue d' on ne sait où
Des doigts d' équarrisseur
Qui farfouillent dans nos gorges
Froissant ce qui palpite
Comme des papiers gras
Un chagrin de grand lièvre
A la course arrêtée
...
Nos amours
Mon amour
Ne passeront pas
L' hiver



mercredi 17 octobre 2012

Fille d' automne


Cette fille de septembre
Que tu couvrais de baisers
En pesant
Sur son ventre
Je me souviens
Comme elle riait
De sa première pluie
Mais les corps se défont
Au vol des gorge-bleue
Toisant le ciel d' octobre
Trempé de solitude
Il te faudrait creuser
Ces murailles de brume
D' une main qui tremble un peu
Et fouiller de la langue
Le brasier roux
De son désir
Avant
Que les flocons ne viennent
Se poser sur ton rêve
En petits tas
Frileux






jeudi 4 octobre 2012

Coques ( 3 )

Pas plus haute que trois pommes, une poignée de printemps, je remonte le seau où s' entasse ma pêche miraculeuse, dans une eau trouble de fond de baie. Sifflotant malgré moi, j' ai tout du jeune épagneul, la truffe humide, les chaussettes d' argile et dans l' oeil, la fierté du travail accompli. Comme lui, déposant la bécasse aux pieds de son maître, pour une simple caresse, je laisse le seau devant la porte, attendant, l' air de rien, les oh!, les ah!, les beau boulot, pétard d' oiseau, quelle pêche!
Ainsi flattée, comme il serait grand alors, et noble, de rendre à la mer ses enfants à coques striées. Dans un geste chevaleresque, renverser le contenu du seau de long de cette ligne incertaine où l' eau vient épouser la terre et rire de ces petits navires nacrés et patauds que les vagues viendraient chahuter avant de les rouler sur le sable.
Au fond du seau les bucardes, organes baignés de sang, pieds, reins, coeur et pourquoi pas pensées tendres ou peur farouche de la mort, pressentant l' ombre de mes remords, s' agitent, se pressent, palabrent et se rassemblent, ne formant plus qu' un cri, une longue plainte muette dont je perçois l' écho. C' est une révolution. Toutes sortent un bras vengeur qui balance à la surface de l' eau comme une trompe d' éléphanteau. Toutes sauf une, la plus blanche, qui se tient bien serrée sur elle même, prenant forme de coeur pour faire fléchir le mien, qui pour l' heure, a la souplesse d' un caillou.
Car il faut bien l' avouer, quand la faim vous tenaille, un coquillage n' est rien qu' un coquillage et avec lui, cette promesse d' amertume sucrée. Sur le bout de la langue, l' océan tout entier.
Ce goût de sel et de voyage...