samedi 29 mars 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 1 )


Les murs de ta peau
Sont ma maison
Et tes songes un jardin

Baignée à tes sources de fièvre
Séchée au vent des impatiences
Toute nue
Je cueille à tes lèvres
Le verbe comme un fruit

Chahutée dans tes mousses
Ivre sous les orages
Chaque fois que le cœur déborde
Et vient cogner contre les dents



jeudi 20 mars 2014

Chemins de nuit ( 5 )


Le temps s' est vidé comme une outre
Dans le silence des nuits je te rêve à voix haute
Je suis le cheval fou prisonnier du parcage
La chaux vive qu' on voudrait contenir

Je veux poser encore
Ma bouche sur tes nuages
Le ciel frangé d' écume
Où tu ouvres les ailes
En écorchant mon nom





lundi 10 mars 2014

Enfances ( II )


Le dernier buisson avant la victoire.
Retrouver la lumière, courir comme on se tue. Parfois, je le fais les yeux fermés, pour sentir le soleil, encore plus, sur ma peau.
Quatre-cent.. vingt et...un. La voix trainante de celui qui s' y colle. Le regard acéré ramène inexorablement le corps pataud de V. à la ligne de départ.
Pliée en deux comme le laurier qui me protège des yeux impitoyables du loup, je regarde mes pieds. Frotte mon menton sur un genou, lisse comme un nœud d' olivier, pour contenir le gros caillou qui barre soudain ma gorge et fait les jambes de plomb.
Pleurer, parce que le chat est mort, qu' on a perdu aux billes, égratigné sa peau ou que maman s' en va, je sais. Mais quand le monde est rond..
Mais à deux doigts de l' arrivée, le moment tant attendu de se jeter dans le vide, de courir, courir droit devant, en retenant son souffle et danser sur un pied en signe de victoire...
Le soleil a beau prendre sa part au jeu, le temps s' étirer comme un fil de barbe-à-papa, c' est l' hiver tout à coup. Je suis vieille. Je pleure sans larmes, petit soldat pris au piège d' une armée de pourquoi.
On s' inquiète. On m' entoure. Les copains.. Il me semble les voir pour la première fois. Si libres encore. On m' interroge. On veut savoir...
Mais comment dire la nuit au beau milieu du jour ? Le silence dans le rire des enfants ?
La marge, quand tout reste à écrire...

Offrir, déjà, sa nuque frêle à la morsure qui n' a pas de nom.

mercredi 5 mars 2014

Enfances

L' enfance en miettes sur le trottoir, que les pigeons s' arrachent.
Recroquevillée sous l' arbre aux gousses qui claquent comme un feu d' artifice, elle essuie de sa bouche les trainées de salive qui poissent encore les dents.
Il avait dit rien qu' un baiser...
Rien qu' un baiser pour un ballon c' était honnête. Elle avait tendu la joue. Vu le sourire triomphant sous le fin duvet noir s' approcher impatient de ses lèvres. Senti sa grosse langue comme un mollusque tourner consciencieusement dans sa bouche. Tout le temps, elle avait gardé l' œil rivé sur le beau ballon jaune que le pied maladroit de cette imbécile de C. avait propulsé dans la chambre et qu' il avait finit par rendre au bout d' un siècle et le sourire en moins.
Il ne faudra rien dire...

Mais à lui, elle raconte toujours tout. Assis sur le ballon, mâchoires et poings serrés, il gronde qu' il fera payer ce vicelard. Vice-lard, connait pas, mais le mot l' amuse. Il fouille ses poches, en sort une vieille sucette à moitié mâchouillée.
Pour changer de goût, il dit.
Elle lui demande s' il a déjà pensé à ça, fourrer sa langue dans sa bouche à elle. Il répond que non, que peut-être. Que rien ne presse. Que c' est quand elle voudra.
Elle le regarde. Ses yeux de chat, ses jambes maigres et tordues de gosse poussé trop vite.
Il est tout ce qu' elle aime.

Un jour, plus tard, elle se dit qu' avec lui, sûr qu' elle trouvera ça bon...