jeudi 24 juillet 2014

Exil ( II )


Midi s' ébroue au fracas des John Deere
Nulle ombre sur la place

Deux yeux d' abord des yeux d' azur
D' un coup sec la mort s' est brisée

Et le temps comme un vent de misaine au plus gris du gros temps
Parfume de vertige nos brûlots de mémoire

Je veux m' étendre et nue tout contre tes silences
Sens mon corps éperdu qui honore le festin


Plus haut l' église entremêle ses deux chœurs
En un baiser de pierre
...

mardi 8 juillet 2014

Exil


Ici, les nuits sont d' os
Et de silex

Sur la pierre blanche
Où le soleil est nu

Tu habites encore mes silences


dimanche 6 juillet 2014

Mémoires ascendantes ( 3 )


Tu souris mais tes yeux ne me voient plus.
La chambre, le bâtiment, les marches, les pavés de guingois, la porte de l' église.
Une place, toujours la même, à gauche du Saint des Saints. Et le silence ensuite.
Tes mains sont jointes, je te sens m' échapper. Un voyage immobile.
Tes anges, tes morts chantent leur chanson douce. Trouver la paix dedans, Seigneur, quand le monde n' en finit pas de recracher ses cendres.
Dehors, la lumière m' aveugle. Je suis comme toi, je dis alors, en volant ta canne blanche...

La maison du curé. C' est là, dans cette cuisine obscure que toute jeune fille tu appris le latin, un œil en biais sur le jardin.
Vacances au bord du Loing. La branche maternelle. Carriers de père en fils. Les grands chantiers parisiens sont une manne. Le Sacré Cœur, dont on vante la blancheur et le grain, une fierté familiale.
L' odeur des blés, les horizons lointains et le chien à trois pattes...
La forêt, les sables et la rivière, plus échevelée que ton Aubette.
Ici bat ton sang.

La maison du curé est devenue la tienne.
Celle des enfants, des amis, des sans-toit, des prêtres défroqués, des abbés du dimanche.
Le nid de mon enfance.
J' en connais chaque détour, chaque parfum. Je sais comme elle s' étire dans les matins d' été et comme elle se fait ventre dans le froid de l' hiver.
Ou comme elle se pavane, enturbannée de mauve, sous les lilas d' avril.
J' ai scindé les bois alentours en parcelles imaginaires qui portent toutes un nom.
Les arbres du jardin sont mes premiers bateaux et les murets des îles.
Trois bancs pour un cheval, le grenier est mon ciel.
Ta chambre mon seul refuge.

Et tes mots mon cordage.

                                                                                *

Avant j' aimais les dimanches.

Avant la robe des jours de fête qu' il ne faut pas salir.
Avant l' interminable voyage, à l' arrière de la Peugeot qui sent le neuf des jours prospères.
Avant le ciel qui se referme sur un parking dont les arbres sont en cage.
Avant ces jours au goût amer de grisaille et d' ennui, de trop mangé et de mélancolie.

L' ascenseur sent l' urine. Plus on monte, plus on glisse vers les profondeurs. 
Septième étage. Couloir de gauche, porte C.
Chant métallique de la sonnette dont il faut tourner le bouton. Glissement sourd du petit cercle de cuivre qui recouvre l' œilleton. Claquement sec des trois verrous. Tu nous serres dans tes bras. Me voilà en prison.

Ce n' est pas contre toi. J' aime ton rire, ta poudre de riz, ton moka et tes histoires de midinette. Mais tout est si petit, ici, qu' on ne sait pas quoi faire de son corps.

" Mangez, mangez, c' est si vilain les enfants maigres.. "
Tu en as encore fait pour un régiment.
C' est au canard toujours que s' échauffent les esprits. Derrière le plat fumant, le repas vire au pugilat. L' argent, de Gaulle, Karl Marx, le Capital... Tu ne dis rien, tu souris.
Si Emile était encore là...

C' est interdit d' approcher la fenêtre. Toi, tu as peur de tout.
Le skaï rouge de la chaise colle à mes cuisses nues, les clous font des ronds sur ma peau.
Je coiffe les longs cheveux de ma cousine.
Et le temps s' écoule à l' envers à force d' être immobile.


Ce n' est pas contre toi, mais avant j' aimais les dimanches..
Avant les dimanches à Bagnolet.