mercredi 23 décembre 2015

Déjà partie je demeure ( 3 )


Ravaudez vos caresses
Au creux des draps de givre

Grattant d' un ongle mou
La rouille sur le sang pur

Je vous laisse l' usure
Les longues nuits d' horloge

Et les journées à quai

Pour le quitter encore


( longtemps je me retourne mais le ciel entre nous
jamais ne fait escarpe )

dimanche 6 décembre 2015

Déjà partie je demeure ( 2 )


Sur le seuil pleurent des femmes
Des hommes, en balayant les os,
Fémurs, sacrum, crachotent et n' osent
Planter leurs yeux
Aux nues qu' ils voudraient vides

Le ciel déglutit ses étoiles en caillots
Le vent sèche la peur sur le billot des murs
Ange déviscéré, qu' as-tu fait de nos nuits ?

Et tandis que tu comptes les cendres sous les fleurs
Battent ses mots d' amour
Sur ma peau mouillée d' aube




dimanche 15 novembre 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 8 bis )


Ta ville était un labyrinthe. J' en suivais le fil invisible et mélancolique.
Chaque rue, chaque place, chaque rire d' enfant derrière des grilles, menaient à ta maison.
Un toit de tuiles a remplacé les nues, mais les pierres, comme les arbres, gardent l' empreinte de ceux qu' ils ont bercés.

Fallait-il être funambule pour giter entre ciel et terre, poser ses quatre murs à l' exact mitan de cette volée de marches ?

Monter chez soi, ou y descendre, un jour berger, un soir pêcheur.
Aigle ou lombric, à l' heure où dorment les clochers.

dimanche 8 novembre 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 8 )


Un ciel de plâtre baignait ta ville ce matin-là.
Le long du quai, yawls démâtés et phares éteints, la pluie mouillait les usines vides.
Je voulais tout savoir. Respirer l' air de tes vingt ans.

Il est des villes lumière, des villes senteurs. La tienne est une musique.
Trois accords de musette pour faire fi de la solitude.
Ici, on lèche sa chope en compagnie. On refait le monde de zinc en zinc.
Si l' on rentre fin saoul, c' est une fille à son bras et l' ombre dans sa poche.

Le souffle des anges se mérite.
Là-haut, la ville ouvre ses fenêtres et s' offre, large, du fleuve qui se replie, à l' horizon qui bossèle.
Si près du ciel on nait, on meurt.
Il reste l' autre rive.

J' ai pris ta main en descendant.

mercredi 4 novembre 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 7 )


On marche sous une voûte que soutiennent en grinçant des troncs couleur charbon.
Au plus profond du lit de ce qui fut rivière, le sol ondoie comme un tapis de fossoyeur. Feuilles sans sève, brindilles, écorces gorgées d' eau, macèrent en un cimetière où nul ne vient pleurer ses morts.
Laissant là le vallon rieur, les cris enroués des cabots fous, le bruit des femmes derrière les murs, des hommes gerçant la terre, on pénètre sous l' arche avec des lenteurs de noyés.
Bientôt, le silence encerclera nos oreilles ivres et chaque ombre sera fée.
Le soleil aura disparu, le ciel couché dans sa cage.
Je dois me souvenir... Etait-ce après l' arbre mort ou juste avant la dernière souche qu' un soir d' hiver il a surgi ? La fourrure rousse trempée de neige, la truffe paisible de qui sait de la vie son souffle et son linceul. Quelle cache solitaire, quelle caverne sous les mousses a t' il enfin rejoint après que son œil d' or, en un temps infini, ait pénétré le mien ?
Au bout le chemin s' élargit. Le bois geôlier entrouvre un peu les bras et la lumière nous cueille, comme crachés du Styx et plus brisés qu' un mendiant sous l' orage. Aveugles, on offre nos yeux clos à la soie du soleil.

On rentre en coupant par les champs. Les semelles sont lourdes mais qu' importe.
Nul n' a jamais osé remonter la nuit à contre courant

mardi 27 octobre 2015

Déjà partie je demeure


Si j' avais su cela
Que l' amour est absence
Mort de velours qui roule son dard
Dans le feu vif des retrouvailles
Le souffle cru des commencements

Chagrin d' enfant comme un vent fou
Court devant moi sous les paupières
Ecoute, comme à peine on se tient
Que ruisselle aux lisières
L' écume bleu nuit des au-revoir


( pourtant déjà partie je demeure
loin je longe encore ta maison ... )

                         *

Sous ma fenêtre l' homme au corps dru
De sa scie fend l' automne en deux

J' irai au soir
A la percée des feuillages
Vêtue d' audace et de chair nue
Accrocher le jour aux étoiles
Pour nous renouer en plein vol





mercredi 14 octobre 2015

Le portrait


Un rai de soleil paille entre par la fenêtre ouverte et les pivoines en feu éclaboussent le salon. Loin l' atelier et sa lumière du nord. Il ferme un peu les yeux.
Il a posé la toile, enroulée sur elle-même, contre le mur, côté jardin. Sur le bras du fauteuil son chapeau et ses gants.
" Je vais prévenir madame.. "
Madame.
Il est des mots plus tranchants qu' un fleuret.
                                                 
                                                                    *

Lui revient le sourire doux de l' homme à fine moustache s' étrillant devant la porte de son atelier.
" La poussière des fiacres... " avait-il dit piteusement en montrant ses bottines.
Puis le regard perdu sur les toiles inachevées et les visages de brume:
" Je voudrais un portrait de celle qui va devenir ma femme. "

Une voilette qu' on relève sur des lèvres comme un fruit ." Je m' appelle Louise "
Assise, elle lui faisait face, les yeux baissés, la nuque gracile.
L' envie de peindre, revenue, impérieuse comme un cheval fou.
D' un trait elle avait effacé les heures lentes à croquer des modèles sans vie, des chairs sans parfum, des yeux sans éclat. D' un seul geste, une posture, des boucles de cheveu, il avait retrouvé la brûlure sous la peau de ses doigts.
Et la lumière l' envie de jouer sur le velours des gorges.

Sa renommée s' étendait des rives du Thérain jusqu' aux portes d' Evreux. Il était ce peintre à la mode. Celui dont on vantait le savoir faire d' académicien et la sensibilité d' homme. Il était gras, riche et repu de gloire inepte.
Pourtant en cet instant, et tandis qu' il percevait de sous le paravent le frou-frou des jupons à terre, il se sentait plus maigre qu' un jeune peintre à son premier portrait.
Il s' agissait de faire chanter ce visage d' ange.
Et sortir de la nuit un corps fait pour l' amour.

Il l' aurait voulue nue. De ses poignets d' enfant jusqu' au mont du pubis. De ses bras ronds et blancs au pommeau du genou.
Ses seins veinés de bleu.
Il l' aurait voulue nue; elle avait revêtu sa robe de fiançailles.
Une robe couleur d' ivoire corsetée à la taille. Une robe de hanches pleines, de mamelons à l' affût. Faussement sage, elle le savait. Et rien de prude malgré le corps bridé, dans la façon de se tenir dans le clair-obscur du fond de l' atelier.
Debout. Elle avait décidé debout. Les doigts joints dans une prière indolente, les yeux rêveurs plongés dans ceux qui, courant de la toile à la peau, livraient bataille.
Contre le blanc du lin, le premier vrai combat.

Des heures ainsi dévisagée. Des après-midis entières à tenir la pose. Dessinée par ses mains, caressée par ses yeux. Ecoutant le pinceau s' égarer sur la joue, s' attarder sur les hanches. Délaçant chaque jour un peu plus le corset, libérant la chair des entraves.
Elle s' étirait à la pause dans des langueurs de chatte.
Et lui, lui dont l' image de Louise hantait les nuits, peuplait les jours, lui qui tenait ce corps entre les bras de sa palette, qui en connaissait chaque ombre et chaque rondeur, lui qui savait combien de roses il fallait pour ces lèvres, de bruns mêlés d' or pour la douceur des yeux, il lui semblait qu' il peignait une femme pour la première fois.
                                                               
                                                                    *

Un rai de soleil paille entre par la fenêtre ouverte. Il entend sa voix remonter l' allée du jardin. L' homme à fine moustache salue le peintre d' une chaleur non feinte, piaffant devant la toile roulée en parchemin. Elle entre comme le vent, les bras chargés de fleurs nouvelles. Sa taille s' est arrondie. Son regard s' est fait dur.
Il déroule le portrait comme un tapis persan.

" Seigneur, ce n' est pas moi ! " lâche t' elle en un feulement, portant les mains à ses joues, brûlantes comme un champ de neige.



dimanche 27 septembre 2015

Au sang de l' endormi ( 5 )


Et toujours l' eau s' invite
Aux cœurs qui s' entre-lient
Flots de baptême à nos lèvres
Gerbes folles
Sur la forêt de tes mains

Le ciel est une lagune
Entends l' arche pleurer sa joie
La nuit lâche ses chevaux de bruine
L aube, l' ondée, sur les draps ruisselants


dimanche 20 septembre 2015

Au sang de l' endormi ( 4 )


Les aubes sont marines et nos matins des hydres
Désancre par tes mains
Puis couche au pied du lit

Mes prunelles fauves

( et la terre semée d' os
sèche en secret ses cendres
au feu réjoui de nos amours )

mercredi 2 septembre 2015

Au sang de l' endormi ( 3 )


La nuit fut vaste comme un songe
Il reste
Des clartés d' astres à ton front
Des lueurs de nova
Au lichen de tes yeux

( avant que ne me fende l' estoc de tes pupilles,
je débaucherai le jour... )





mardi 25 août 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 6 )


Ils offrent des ventres d' écorchés à la crypte du ciel puis tendent leur étrave vers celle qui roule des hanches au bout du lit de grève.
La mer, tendre et violente épouse, ne s' offre plus que pleine.
L' eau les a quittés comme une fille infidèle et l' air qui les traverse a le cinglant d' un fouet.
Ils furent thoniers, langoustiers, chalutiers à tangons et portèrent haut des noms de ciels, de femmes ou de voyage.
Ils furent braves, affrontant sans ciller les départs engourdis de froidure, les hauts le cœur des mousses, les larmes des promises.
Fiers des retours juteux, poissons d' argent coincés entre les dents.
Souriants les jours de pause, tétant le lait des docks dans des mollesses de lamantins.
Quelle fortune de mer les a laissés ainsi, gisant sur le flanc, coursives grinçantes, la peau des os tannée par le sel et les tempêtes qu' ils n' affrontent plus qu' à terre ?
Le vent se joue de leurs carcasses et le gros temps balafone leurs squelettes d' éléphant.
Et demain les vasières, comme dernière déferlante, engloutiront leurs corps tout au bout du Sillon.

samedi 22 août 2015

Au sang de l' endormi ( 2 )


Innombrables sont les noms que tu donnes à la nuit

Dans ma poitrine s' aiguisent des rumeurs de hauts-fonds
Là, ta peau, a le lustré des baleines franches
Et plus loin grain d' écailles
Aux dunes alanguies





mercredi 19 août 2015

Au sang de l' endormi ( 1 )


Nul sommeil ne m' égare dans ce lit comme une île
Où ton corps est un ciel
Mêlé d' algues
Libres mes doigts délivrant tes méduses
Mon souffle sur ta gorge

Le soleil tombe en grappes
Je remue à ton seuil

Dans l' allongement du jour, tu bouges avec le sable

jeudi 6 août 2015

Impressions, paysages minuscules ( 5 )


Mer, bercée de terre qui souffle sur les flots son haleine de myrte et chante au sel la chanson des maquis.
Un long baiser de pierre et d' eau.
Les bateaux sont des ventres. Au lacis des ruelles, un vieux somnole dans chaque trouée d' ombre. Les chats qui sortent des poubelles ont des airs de princes égyptiens. Manger, dormir est leur credo. S' embrasser au soir dans le blanc provoquant des jasmins.
Nul ne crève la torpeur qu' impose un soleil de craie dans un ciel identique.
Ici le temps brûle sans passer.
C' est un endroit pour naître et puis tromper la mort, à force de transparence.

Et toi mouvante, qui défais l' eau du geste grave des funambules...

mardi 7 juillet 2015

Secret des berges ( 12 )


Juin allumait sans nous ses feux
De paille et d' écume

Au calice de ma joue froissée
Dormaient de vastes eaux
Aux marées repoussant la nuit
( c' est toi que j' aime, que j' aimerai ... )

Ouvre l' été de tes lèvres
Du seul mot qui ne soit
Silence



samedi 27 juin 2015

Secret des berges ( 11 )


Amantes, sous vos fronts
Naissent des paysages
Etoilés d' ifs
Bruissant de lits parmi les herbes
Qu' il suffit d' un silence
Pour semoncer de sang

...

Roulez vos larmes
Sous les ruines des batailles perdues
Et d' un jet de pollen
Enfantez des clartés




mercredi 24 juin 2015

Enfances ( III )


Des mois ainsi à épier, soupeser mentalement, et elle avait acquis un art de la mesure qu' auraient pu lui envier les plus grands couturiers. Du demi centimètre poussé dans la nuit, à l' arrondi d' un galbe naissant sous la transparence d' une chemise, de l' arrogant téton à la brune aréole, rien ne lui échappait.
Rassurée par les quelques filles qui, comme elle, tardaient à offrir leurs corps aux morsures indélébiles de l' adolescence, ce fut par ennui d' abord, un ennui goguenard, qu' elle avait commencé ses observations scrupuleuses. Puis une vague inquiétude avait pris le relais. Et tandis que certaines cachaient encore sous le zip des blousons ces bustes neufs qui restaient un mystère, elle attendait son tour, comme sur un quai de gare on voit partir des trains que l' on ne prendra pas.
Mais à force d' essuyer, dans les vestiaires chlorés, les regards pointus et moqueurs des bimbos de quinze ans, elle finit par comprendre qu' elle en resterait là, avec cette part d' enfance rivée au dessus du nombril, comme une fleur mort-née.

Il est des chagrins sauvages que seuls guérissent les mots d' amour.
Les tendres coups de dents pour panser la blessure, d' un corps se croyant vieux à force d' innocence.




dimanche 14 juin 2015

Secret des berges ( 10 )


Ces voies de berges où l' or s' allume
Dans le soir qui s' échauffe, dis-moi
Qu' elles n' auront pas de fin

Qu' en mes aubes de femme
Claires, aux flancs désanglés
Je serai ta captive

Au creux du lit l' eau neuve
D' un fleuve suspendu

L' ondée née de la vague
Baignant l' astre
Aux salines




lundi 8 juin 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 4 )


C' est le silence d' abord que l' on perçoit. Un silence de ruines.
De neige en plein midi.
Le long de la rue principale, sévère et morne, s' alignent des maisons toutes semblables qu' à première vue on croirait cossues. En réalité, une haie coupe en deux parties symétriques des familles qui vivent depuis toujours à l' envers l' une de l' autre.
Des berges du canal, bordées de jardins immobiles, les usines ont des allures de phares émergeant de la brume.
Mais il faut avoir déjà vu la mer pour le dire.
Au bar de l' Hôtel de ville, le zinc poisse un peu des petits blancs secs que des mains incertaines portent jusqu' aux gorges desséchées par les fours. Côté tabac, les billets de loterie font de l' œil. Ici le rêve se gratouille d' un coin d' ongle noirci.
Les cheminées crachent sans trêve une fumée compacte. Le passage piétonnier sature au croisement des trois huit. Première clope pour les uns, dernière pour les autres qu' on écrase sans hâte d' un revers de godasse. On se salue sans effusion. On ne parle même pas du temps. Dedans, c' est toujours l' été. Toute une vie dans le verre.
Des écrans de télé.

Une fenêtre ouverte sur le monde, comme ils disent...

dimanche 31 mai 2015

Secret des berges ( 9 )


Places aux clartés stridentes, midi sonne, qui n' est pas midi
Car le temps est tombé comme les ombres
Sur l' herbe rase
Où ton front est feuillage
Les bras s' ouvrent comme des fruits

Finir là, et renaître
Aux lacis de ton ombilic
Aux lèvres qui délivrent les lèvres

Je te parle et ma langue
Est celle des moussons

samedi 16 mai 2015

Secret des berges ( 8 )


Matins imberbes
Les bouches forment un pont
Socle de chair, arc bandé
Brise triomphant des cendres

Sous l' ogive qui court
De l' iris à l' iris
Pas un cillement morne
Au ressac des amants
Lorsque cent fois les mains
Se faisant pulpe et fruit
Perlent d' un suc ardent
Le lit fleuri de cèdres

Nuit d' algues
En gerbes pépiantes
Sème tes oiseaux de mer
A l' aiguier de mes flancs


vendredi 8 mai 2015

Secret des berges ( 7 )


Laisse au pied des murailles
Le front de marécages
De ceux qui dorment la gorge en croix

Baigne au calice d' azur
Ton visage libre et nu

La chambre est un jubé
Et nos baisers des cathédrales

Dans sa volière de vitrail
Et pour ces justes noces
Les arpèges de l' oiseau

Point d' orgue au chant d' airain

vendredi 24 avril 2015

Secret des berges ( 6 )


Impatience des rivières
Dans le courant des jours
Vos crues sont de chaux vive

Femmes aux lèvres d' écume
Qui marchez tout au bord
Tressez d' humus
Parez d' avril
Les cœurs qui capitulent

jeudi 16 avril 2015

Secret des berges ( 5 )


Sur les pierres écorchées des rives
Je coule mes jambes nues

Fille noire, fracas des larges eaux
Ton lit de nécropole
Garde en son creux les brisures de l' amant

Je descendrai
Jusqu' aux berges mi closes
Caresser l' onde et caresser le cri
Frotter ma bouche
Aux sources qui me délient

...

Eau verte, qui garde sur tes bords
L' empreinte des corps calmés
Offre nos emmêlements
Au pâtre de la déraison

samedi 11 avril 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 3 )


Je m' en souviens parce que c' était la première fois que je marchais seule dans une ville.
Juillet dépliait son drap d' ombre aux trouées de soleil et les hauts murs que je longeais rendaient au matin la chaleur de la veille.
Une promenade carcérale, c' est à cela que j' ai pensé.

Je ne savais rien, ou si peu, du ciel morcelé, de l' horizon en cage. Rien de la frénésie butinière. Rien des odeurs de pain chaud et de toutous poudrés.
Je venais d' une terre sans passé qui m' avait tout appris et comme je t' ai haïe alors, toi  tes faits d' arme, tes maisons cossues, tes jardins sans enfants, tes trottoirs mouillés de décembre et tes dimanches aphones.

Il est pourtant des soirs qui réveillent les soleils assoupis.
Je vois encore les yeux couleur de mûres. Dans le parfum têtu des glycines, nous marchions côte à côte. Les rues baignaient d' un air liquide et chaud. La chambre avait des airs bohêmes. Sur le seuil, nos grands corps empêchés n' osaient rien. Une main tendue qui se ravise. Un sourire. Demain...
Je cours, ma ville, je défais tes barreaux, j' ouvre les grilles de tes jardins trop sages, les tentures de tes fenêtres opaques. Demain... Je cours, au gré des rues. Je te fends, te piétine, te secoue, t' encanaille.. Demain.

Et parce qu' il est des baisers qu' on attend toute une vie, toi ma ville au nom d' eau, tu embaumes à jamais du parfum des glycines.










dimanche 5 avril 2015

Secret des berges ( 4 )


Ailleurs je disais vous
La rivière ou mes îles quand je parlais de toi
Je cachais ton nom dans la mer
Ta bouche en un jardin
J' enfouissais dans des tombeaux de nacre
Tes yeux de brume et d' océan
Et sous mes tempes
L' obole de tes baisers

( à sécher ainsi mon secret, je fis de toi une pierre; pire, un gisant de papier )

J' étais sorcière qui teintait d' ombre la rosée de son sexe
Et j' attendais d' être assiégée de nuit
Pour que la chambre close
Résonne de mes serments

Défunt le temps des labyrinthes
Des mots tus empêtrés de fièvre
Et de la barque nue, qui file au courant des clartés
J' éclabousserai de sang les charrois de silence
Le champ semé de nos amours

lundi 30 mars 2015

Secret des berges ( 3 )


Dans le soir qui ondule je te parle et mes mots
Se perdent avant la mer

( j' ai tant rêvé, pourtant, de ces eaux de safran
et des grands sapins noirs
qui s' écartent radieux
offrant pour lit le ciel
à nos corps soudain graves )

Rouge est la blessure
Tandis que je mâchonne
Et l' absence
Et son cri

Par ton souffle délier le poème
Du vent qui le conduit

lundi 23 mars 2015

Secret des berges ( 2 )


Amants, qui roulez vos baisers
Sur le sable moussu des rives
Au front de vos rires clairs
Le temps ne fait plus d' ombre

Dans le fleuve de vos mains
La mort même s' enturbanne
Du sarrau des mortels

Et la pluie sur vos doigts
Défait la marne blanche
Pour l' onde infiniment

vendredi 20 mars 2015

Secret des berges ( 1 )


Rivière femelle assurément
Et vive sous tes cheveux de schiste
Tu semais tes méandres
Au réveil sur ma peau

( à mes reins l' endormi
drapé de sa nuit sans mesure
déchirait d' un pouls régulier
le linceul
et ma conque
s' emplissait de sang neuf )


Grappes ruisselant de sève
Aux lèvres impudiques
De l' aube

samedi 7 mars 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 2 )


Au bout du chemin la vieille grille fait un bruit de crécelle quand on la force un peu
Trois maisons, la ferme est devenue hameau

Il faut laisser le village sur la droite, grimper la côte qui le domine
Perché sur sa hauteur, le lieu a la douceur d' un nid, la quiétude d' un vallon

Ici la mer est jaune et les vagues se moissonnent
Etale, elle est de glaise et collante aux semelles

Au pied du sycomore
Gisent des vélos d' un autre âge
Semblables à ceux qu' ils enfourchaient, petits, aux étés saturés
Quand se faisait pressant le désir
Des berges

Ils rentraient au soir rougissant
La peau fraîche et tatouée d' algues brunes
Le chat dormait sur la margelle
Epousant le cercle parfait du puits

Les femmes s' affairaient aux cuisines échangeant des nouvelles d' en bas
Les hommes armés de seaux descendaient jusqu' à la fontaine
Au retour, ils ouvraient leurs gourdes devant le vieux calvaire

C' était avant
Avant que le vieux fou n' engloutisse sa maison sous une montagne de pierres

                                                                  *

Dans le vieux rocking chair
A la lisière des chaumes assoupis sous le feu
Tu tenais dans tes mains le poème

Ton chez-toi baptisé sur du papier de lin

A la Porte des Champs



vendredi 27 février 2015

Secret des îles ( 7 )


La nuit se penche sur l' île
Comme l' île sur la mer

Bleus mêlés
D' écume et de fougère
Vignes enlaçant la vague

Baiser d' eau verte au quartz des brisants

lundi 23 février 2015

Secret des îles ( 6 )


( Comment te dire ? Il me semble que l' onde avait craché ses couleuvres jusqu' aux brouillards givrants de ses gouffres marins... )

Ile
Environnée de mer
Toi dont la ronce n' atteint pas le fruit

Défais, par mes doigts, l' éclisse
Et libère en un songe
Ma bouche aventureuse

La houle sur les amants

samedi 21 février 2015

Secret des îles ( 5 )

Maintenant l' île est nue
L' île au centre du cercle
Sous l' arc bandé du soleil à midi

Et c' est une autre fièvre
De stupeur et de rouille

Ile blanche, île rompue
Les Fous ont déserté tes grèves
Sur tes sables où s' échouent
En un long cri les bois d' épave

Et la mer sans vaisseaux
La mer s' enfle pourtant
Qui n' atteint plus tes rives

mardi 17 février 2015

Secret des îles ( 4 )


Et j' irai sur ce corps
Comme en un champ de fleurs
Ou comme en un verger
Gouttant de pluies d' avril

Miel immergeant le fruit
Que le soleil embrase

Et j' irai par tes yeux
Pour que vague après vague
Tu baptises mon corps
De sang serti de bleu

Mourir encore
Contre l' ombre en escale
Comme les blancs vaisseaux
Qui se donnent aux lagunes

samedi 14 février 2015

Secret des îles ( 3 )


Ile, sur tes landes empesées de brume
Laisse mes mains se guider aux genêts
Mes lèvres aux parfums de houle

A mes doigts l' arche d' eau
Lèvera tes oiseaux de mer
Dans des nuées d' écailles

Terre assoiffée
Ma bouche se fera puits

Neige ma langue
Sur le feu de tes cils

Sans jamais rien tenir
Que mes bras nus soient brise
A tes jardins de nuit







samedi 7 février 2015

Secret des îles ( 2 )


S' il est une île
Que je sois l' onde

Eau verte aux baisers d' écume
Intaille ses récifs
De sourires ruisselants

Et l' on ne sait plus dire
Qui du vent ou des vagues
Creuse en ses flancs
Des gouffres émaillés d' astres

Nuits
Aux multiples mamelles
Occupées du seul être
Nos gorges ont soif

               *

Je suis l' océan, son abîme
Roulant sa vague lâchant ses mots
     ( Amour )
Comme des cristaux de nacre
Sur le sable des berges

A toi il suffit d' être
L' île
Pierre ardente
Rocher de jaspe
Pour dresser l' eau de chair
Ouvrir de tes brisants
Les lèvres indociles
De l' aube
...


samedi 24 janvier 2015

Secret des îles ( 1 )


Comme la marée le manque
Sa coupe pleine
Creuse un sillon

Toi qui vis sous ma peau et parle
Par ma bouche
Délivrant la blessure
Qui te penches à mes yeux
Tu es
Dans le sang de mes nuits
Et le vert du jardin
Des alcôves de corail

Dans la source écumante
Dans les ailes des nuages

Le vent au goût de mer

Et sa houle jusqu' à nous
Toujours refait le lit
De nos sables nomades

Et balaie d' un ciel clair le seuil
Des solitudes

mercredi 14 janvier 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 1 )


C' est un chemin creux sans importance
Des jachères au village, il ondule en pente douce
Eboulis luisant sous une voûte d' arbres maigres

Rivière dans le temps infini de l' été
Vallon nacré de mai où l' ombre n' a pas de poids
Suintant de pluies sucrées d' automne
C' est l' hiver qu' il se fait berceau
Promesse de gestes simples
Un sourire, un café, des mains qui s' ouvrent devant l' âtre
Dans le soir qui s' étend

Ma course fut celle d' un chien fou
Dans mes cheveux mêlés
L' acidité des sables et le miel des bruyères

Comme il est simple et bon
Sitôt franchie la dernière courbe
D' apercevoir les granges
Crachant au ciel zébré de longues fumées obliques
L' église sur son rocher
Et les toits en écrin

samedi 10 janvier 2015

Secret des tombes ( 12 )


Ils rongent
Les reliefs épandus
Font rouler sous la langue
Pulpe de crânes et osselets d' anges

Incline toi
Au loin passent des cavaliers d' ombre
Des escortes de deuil

Sur les ruines et la mort
Sur des villes de silex
Sur le ciel égorgé
Sur ma bouche

Pose ta bouche

Nos mains sont nues
Et comme seule arme nos baisers
Cinglant d' eau vive

Leurs poitrines infécondes




samedi 3 janvier 2015

Secret des tombes ( 11 )


On pourrait croire que tout dort
Des vignes noires aux corbeaux
Que la brume embastille ses gouttes
Pour ne rien ôter au silence

Mais, sous la paupière blanche
Roucoulent des printemps


( et le soir qui s' attarde
délivre la blessure
à nos jardins humides... )

jeudi 1 janvier 2015

Résolution

Mettre au clou la tendresse
Et sa clique de petits soldats désarmés

Mais nue
De mille morts
Les yeux rougis
Chevaucher l' aigle

Cingler l' animal vif
D' une étrivière de sang

Une flèche de soleil