mardi 26 janvier 2016

Impressions. Paysages minuscules ( 10 )



Son nom sifflait déjà comme le vent du nord; le roulis de la mer sur une lande échouée.

Le bleu n' est pas d' ici mais un brun gris de bure.
C' est une terre de clochers qui ne se prend qu' à pied. Rien n' empêche le regard de courir à sa guise et libre infiniment, au jardin sans lisières. Car ici l' air et l' eau, l' océan et la terre, sont frères et sœurs de sang, qui se mêlent et se mordent, disputant leur empire.
Le vent se fait Nordet et la terre se fait dure; brisant sa gangue aux beaux jours, fait ricocher ses pierres pour emmurer la mer, et elle, couvant ses colères d' équinoxe, crachouille corps et proues sur des jetées cinglées d' eau noire.
Plus loin les hommes, dans des lenteurs de brume, dressent des ponts levis, bâtissent des maisons aux façades d' escaliers puis mettent l' or aux fenêtres dans le soir qui descend.

Et ce vol d' oies sauvages, et son cri, tandis que nous marchions paume à paume, pourtant déjà si seuls de se quitter demain...

dimanche 10 janvier 2016

Impressions. Paysages minuscules ( 9 )


On marche en un tableau en cherchant le mot juste pour dire la lumière.
Les chemins sont de bois. Des pontons à bateaux qui traversent la mer, blonde, comme une tignasse d' ange dans le voile du matin, rousse, au feu des soirs d' hiver.
Ici et là, des arbres morts tendent leurs bras d' os aux oiseaux de passage et tout se mêle en ce lieu, qui n' a que faire des frontières:  la tourbe noire aux cheveux de paille; le vert profond des sapins aux blancs et frêles bouleaux; la fange au ciel et le bleu nuit des flaques à l' élégance des joncs.
Est-ce une terre, un étang ? Une steppe ? Un désert ?
On cherche le mot juste et on pense: deux lumières.
Peut-être trois quand la neige rend captive la pente douce d' une toundra étirée, comme une étoffe au vent.
Parce-qu' ici la terre se fait conque, accueillant l' eau dans ses bras de chair brune, parce qu' ici la route est tracée, de caillebotis en lisières et que je ne peux m' y perdre tant que je tiens ta main, il y a des mots qui tremblent et d' autres qu' on enfouit; la solitude est l' un d' eux, le temps qui passe aussi, sans doute.
Contrée sauvage qui porte un nom bourbeux, je reviendrai lever tes nymphes trempées de brume et tes coqs de bruyère.
Et marcher sur tes eaux comme dans mes rêves d' enfant.