jeudi 9 août 2012

Un mot, l' été...

Mon oeil distrait à la fenêtre errait dans un ciel sans coton.
Une cigarette au coin des lèvres, encore et toujours à chercher le mot, le mot juste, celui qui dirait à lui seul toute la rondeur du monde, le sang pulsé de l' amour, les charognards de la rupture, la peur, la quête, la soif, l' espoir, le silence et la vie...
Dans le vert uniforme du jardin à midi, pariaient les arbres sur qui donnerait la première fraicheur, du vieux cerisier arthritique, au jeune tilleul tout gonflé de feuillage. Les fleurs se taisaient pour se faire oublier du soleil. Et moi, penchée, je cherchais le mot...
Sur le chemin qui mène à la maison, une seule tache brune, miraculeuse, et dans la tache, étalé dans son infinie langueur, le chat. Comme dans un théâtre à l' envers, poursuite noire sur fond clair de tout ce qui agonise et résiste à la morsure du feu, toi, mon corniaud des gouttières, sorcier capable de créer l' ombre en plein méridien pour te reposer de ta course... Allongé, étiré, du bout de la patte à l' oreille, afin de ne rien perdre de la fraicheur de cette goutte noire venue d' on ne sait où, on aurait pu te croire mort si ton ventre ne cessait d' aller et venir comme une vague régulière sur un rivage encore vierge.
A te voir ainsi crucifié entre quatre murs invisibles, abandonné au ciel, à la terre, à l' été, il me semblait sentir le mot cogner à mes flancs comme un enfant sur le point de naître, qu' il n' y avait plus qu' à le cueillir pour le bercer au puits de mes mains jointes.
D' un geste lent, pour ne rien perdre du sortilège, j' ai tapé quelques lettres d' un index malhabile.
Fébrile, j' ai tourné la tête. Dehors, l' ombre avait disparu en emportant le chat... Et sur l' écran, le mot n' était rien d' autre qu' un mot.
Minuscule.


8 commentaires:

  1. J'aime bien l'expression " corniaud des gouttières" et puis la manière un peu fantastique dont les choses sont présentées (le chat qui crée l'ombre dont il a besoin pour se reposer, l'ombre qui emporte le chat, etc.). Et puis, comme souvent dans vos textes, la présence de la mer (la respiration du chat est comme "une vague régulière sur un rivage encore vierge"). Cette mer primitive, intacte et pure qui renvoie à l'aube du monde. Quant au mot tant cherché, on l'approche dans une quête respectueuse, quasi mystique, et on tente de le recueillir dans le "puits des mains jointes"

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  2. Quasi mystique ? Il y a de ça, c' est pourquoi toujours déçue.. :)
    Quant à la mer et sa présence obsessionnelle il est vrai, il faut croire que j' y cherche des réponses impossibles à des questions qu' il n' y a peut-être pas lieu de se poser :)

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  3. Le mot se dérobe à cause de cette réserve animale au fond de notre corps, de cette part farouche (débâcle, fragment de terre perdue), qui jamais ne se soumet.

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    1. " qui jamais ne se soumet "
      Sans doute, hélas..
      Mais n' est ce pas cette même "part farouche" qui nous entraîne à chercher encore ?

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  4. "... l' ombre avait disparu en emportant le chat..."
    Je ne sais pas pourquoi cette phrase... (doit-on toujours finir nos
    commentaires ?)
    Juste un sourire, Agnès :)

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    1. Certains sourires disent bien plus que les mots..
      :)

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  5. Le chat est a lui même le théâtre de la vie, l'exemple d'une peur mais aussi d'une certaine ardeur.
    Ce texte est beau!

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  6. ..et ce commentaire aussi..
    le chat, comédien souple et vaguement moqueur, dans ce théâtre de la vie
    merci :)

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