lundi 31 octobre 2011

Sur les rails

Midi à Brest
Crachin têtu
Un Pré vert
Sous l' asphalte
T' en souviens-tu
Barbara ?

Des mains s' agitent
Comme des oiseaux
Il fera beau
Là-bas

Mais le temps
La misère
Ailleurs c' est comme ici
La même buée
Sur le coeur
Qu' un doigt fiévreux
N' en finit pas
De dissiper
Il a calé sa tête
Mais le roulis du train
Ramène inexorablement
Sa joue gonflée
A mon épaule
Il dort
Oliver Twist
Sur les genoux
Je n' ose plus un geste
De peur de casser le seul rêve
D' un  homme dont je ne sais rien
Montparnasse
Terminus
Des gens pressés me bousculent
Je voudrais n' arriver jamais
Quand je sais que personne
Ne m' attend
Sur le quai

jeudi 27 octobre 2011

Matin

De froid ou de vieillesse
L' agapanthe est morte cette nuit
J' ai ranimé le feu
Je suis seule à ma table
La tignasse en désordre
Un thé pour la soif
Un café pour le goût
Le chat repu s' affale
Au tout premier rayon
Et fixe de ses yeux jaunes
Je ne sais plus quelle ombre
Ou quel visage enfui
La forêt s' entortille
De fumées et de brumes
Comme une diva exsangue
Et la maison penche un peu
Du silence monte une plainte
Aigre et douce
Comme la chanson du vent
Qu' as-tu fait de ta vie ?
L' aube attise les possibles
Jamais je ne serai plus
Ce cheval foudroyé
Dans le temps
Qui me reste
Plus d' aiguilles
De secondes figées
Mais des bateaux à prendre
Des chemins
Aux murets d' étoiles
Et l' Océan toujours
Le ciel à qui parler
Je ferai aujourd' hui
Le tour de ta maison
Gratterai de mon ongle
Le givre à ta fenêtre
Et tu m' ouvriras mon amour
Nous irons sur un fil
Comme ces lièvres confiants
Qui ne veulent que survivre
A la rosée encore

La maison ne penche plus
Le chat s' est endormi
Le soleil a dissous
Les brumes frangées de rêves
Et la forêt bouclé
L' horizon à mes tempes
Qu' as-tu fait de ta vie ?

L' agapanthe est morte cette nuit

lundi 24 octobre 2011

Cirque

Il lance les mots
Comme des couteaux
Aux échancrures
De l' ombre
Un jet de trop
Ou de travers
Sous la mitraille
Elle est tombée
Il a dit simplement
Perdu
Le sourire blème
Sous le nez rouge
A ramassé la peau
Et balancé les tripes aux chiens
Le coeur aux fauves
Qui n' en finissait de perler
Ses mots d' amour

mercredi 19 octobre 2011

Ailleurs


Ivre d' un ciel
Dont l' aube ne veut plus
Elle tourne
En épargnant la mer
Aux chagrins déchainés
Comme la houle
Confondue
Qui ne trouve à couler
Qu' épaves

Ailleurs
Tu marches droit
Je veux dire
Comme un homme
Oubliant les jours où
Funambule égaré
Il te fallait sa peau
Pour traverser
L' hiver
..

dimanche 16 octobre 2011

Octobre


Le ciel salive
Quand s' ajustent
Les corps
Dans le Z
Des amants
Il pleut
Dans mon sang
Coule encore
Le limon
De ton ventre
Et tout au bout
Des doigts
La fièvre
Infiniment

Ecarte
D' un revers
La buée
Au ventail
Et vois
Comme je te veux

...

jeudi 13 octobre 2011

Le brouillon ( 2 )

Parfois, quand je m' ennuie, je dessine papa.
Un rond et deux bâtons au bout, comme des jambes minuscules sous une lune bien pleine.
Mon père, il faisait toujours tout pencher. Le banc, le lit. Même le sol du grenier. Je me souviens des jours de marché quand il fallait sortir la voiture. Mon frère, arque bouté, poussait les deux énormes fesses à l' intérieur pendant qu' on entendait le vieux râler que c' est pas dieu possible de fabriquer des bagnoles si mal fichues au prix où on les paye. Ensuite, toute la famille se ruait à l' arrière, du côté opposé pour faire contre poids. Mais ça penchait drôlement quand même. Moi, je restais sur le muret à attendre. Il n' aimait pas comment les gens de la ville me regardaient. Alors, pour me consoler, il me rapportait des bonbons.
Des caramels mous. Mes préférés...
Papa est mort quand j' avais douze ans à cause de son coeur tout enrobé de graisse. Comme le foie du canard que ma mère tue des fois le dimanche. Mes soeurs, je vois bien qu' elles se forcent pour avaler. Moi, quand je crache, maman ne me gronde pas. Elle dit comme ça que je suis pas normale et qu' il faut pas m' en vouloir. Mais que si je ne finis pas mes légumes, ce sera tintin pour les caramels. C' est à cause de ça que je me suis mise à suivre les gars sur le chemin des buis...
Dans ma tête je parle comme tout le monde mais ça veut pas sortir pareil. Sauf les gros mots. Mais là, c' est parce que je suis entrainée. Je me mets à la fenêtre et je gueule des saloperies sur les gens qui passent. Il y a ceux qui baissent la tête et font comme s' ils n' entendaient pas. Ceux qui me regardent avec pitié et d' autres qui rigolent. Ceux qui viennent voir ma mère pour lui dire que c' est quand même un monde de pas pouvoir circuler dans la rue sans se faire insulter et que je serai bien mieux dans un centre pour les gens comme moi où y en a qui s' en sortent drôlement bien, trouvent un petit boulot et parfois même un mari. Maman elle dit que les écoles c' est pour les riches et que ça m' enlèvera pas mes yeux bridés. Puis elle flanque tout le monde à la porte en hurlant des mots bien plus gros que les miens. Après, elle sort une bouteille du buffet et se l' enfile toute seule en pleurnichant. Je lui demande, comme je peux, si c' est à cause de papa qu' elle renifle comme ça. S' il lui manque autant qu' à moi. Elle répond juste qu' il est au ciel et qu' au moins là, il n' emmerde plus personne.
Hier j'ai eu quinze ans et la chatte grise a fait des petits. J' aime toucher les chatons. Et les bébés aussi. C' est doux, c' est chaud, ça sent le lait sucré. Jamais je ne leur ferai de mal mais je vois bien que les gens ont peur quand je m' approche d' un berceau. J' ai entendu le docteur dire à maman qu' il serait préférable que je n' aie pas d' enfant parce que je ne vivrai pas longtemps. Et qu' il fallait faire attention à ce que je mange pour ne pas finir comme mon père.
Le soir, maman a donné mes caramels aux poules, avant de noyer les petits chats...

La première fois que j' ai suivi les gars, c' était un jour comme aujourd' hui. J' étais triste comme souvent. J' ai fait semblant de pas comprendre ce qu' ils voulaient mais j' avais déjà vu ma soeur le faire avec cet imbécile de voisin dont elle s' était entichée. Ils retournaient leurs yeux en poussant de gros soupirs, comme quand je fourre une poignée entière de bonbons dans ma bouche.
Quand je sens leur machin durcir et rentrer dans mon ventre, ça ne me gêne pas. Et ça ne me fait pas mal non plus. La mousse chatouille mes cuisses. Je regarde passer les nuages. J' ai toujours aimé les nuages. Je pense à mon père qui ne doit pas se gêner pour les gober comme de gros caramels mous.
Alors, des fois, je vois le ciel qui penche.
Mais ça non plus, je le dis à personne...

dimanche 9 octobre 2011

Brandons


Ce qui reste
Après tout
Pas plus
Que trois
Fois rien
Quelques mots
Papillons
Trempés
Du bleu
Des jours de joie
Petit bois
Des heures
Blanches
Où rien
Ne vient à bout
Du givre
...

mercredi 5 octobre 2011

Ces mots


Ces mots que tu lâches en volutes
Comme des parfums d' ambre
Sur les pieds ocres de la fée
Ne disent rien de toi
Et rien du labyrinthe

Lors comme le ciel sait faire
Du plus sombre un vitrail
C' est à la source franche
De ton sourire ponctué
Que j' irai puiser tes secrets

dimanche 2 octobre 2011

Le brouillon


On la menait comme une grosse chèvre un peu rétive jusqu' au lit de mousse épaisse, au débouché du chemin des buis. On lui parlait durement, comme un homme, parce que c' était la seule façon qu' elle connaissait. On lui disait de s' allonger, de remonter sa jupe et d' écarter les cuisses. Qu' il y aurait des bonbons si elle ne faisait pas d' histoires. Des caramels contre un silence... On faisait passer le paquet devant ses yeux bridés. On n' était jamais sûrs qu' elle ait tout bien compris.
Après, il suffisait de fourrager sous son pull, de faire rouler ses seins sous nos doigts terreux pour sentir la chose durcir sous le pantalon. On entrait en elle, maladroits et pas fiers, mais qu' importait qu' on tremble un peu devant cette fille qui regardait le ciel sans gémir.
A l' école, c' est toujours ce qu' ils disaient, les maîtres: prendre le temps du brouillon. On était appliqués. A tour de rôle, dix fois l' on peaufina nos gestes et travaillâmes nos sprints. Nos chéries, les vraies n' auraient qu' à bien se tenir. Pas plus hauts que trois pommes mais déjà de grands couillons de mâles à qui on ne la fait pas. On remontait le pantalon resté coincé aux chevilles comme un vieux ressort déglingué. On passait la main sur nos crânes presque nus, un peu gênés soudain de n' avoir rien à dire de gentil à celle qui réclamait ses bonbecs en sortant sa grosse langue de simplette, comme un chien qui a soif.
Il ne faudra rien dire à ta mère...
Elle dépiotait son premier caramel en poussant de petits cris aigus.

Refermant nos braguettes on partait l' âme en paix. Elle avait déjà oublié...