mercredi 24 décembre 2014

Mémoires ascendantes ( fin )


Je mourrai. Cette idée est une fleur qui s' ouvre chaque matin au jardin de mes songes. Je la contemple sans frayeur.
Partir n' est rien. Se détacher du môle et laisser la barque tranquille glisser vers son silence... Mais abandonner derrière soi, comme des miettes sur la table, le peu de ce que furent nos vies, voilà la vraie souffrance. 
Le bon Dieu je n' y pense pas. Il est l' iris de mes yeux pour que je ne rate aucune des beautés de ce monde. Dans la lumière noire de la mort, je ne sais pas.

Sereine et sage, c' est ce qu' ils disent de moi.
S' ils savaient comme je méprise cette forme de sagesse au goût de formol et de renoncement.
S' ils connaissaient la lave en moi.

Que m' importerait de mourir si je ne perdais pas la vie.

                                                                               *

J' ai traversé mon existence en petite fille que le monde terrorise. Chaque soir, j écris au plafond de mes nuits la liste de mes peurs: le noir, le jour, la mer, les hommes, la maladie, la misère ou la neige, les fenêtres ouvertes et l' odeur des caveaux.
C' est la faute de ma terre, le gris de mon granit et celui de la pluie. La faute aux marées basses, aux bateaux gisant sur le flanc. La faute aux ciels fauchés s' écrasant sur la lande.

 A l' heure de changer de rive, je chante. Ne plus entendre le grondement, murmure d' étoiles, écho des tombes.
Je chante la chanson triste des Pardons. Celle que ma mère et moi fredonnions pour repousser les tempêtes.
Je chante pour ne plus avoir peur.

Et pour aimer enfin la vie.


                 



Addenda:
Au terme de cette série, et parce que me fut fait, à plusieurs reprises, le reproche ( affectueux ) de la difficulté de se repérer dans ces Mémoires ascendantes, je crois utile d' apporter ici les précisions suivantes.
La première voix est celle de ma grand-mère maternelle, Odette ( ou mes mots de petite fille s' adressant à elle ). Née en 1893 dans la soie d' une famille bourgeoise et cultivée, elle lutta toute sa vie pour échapper au destin sans surprise qu' on avait écrit pour elle.
Intellectuelle, autoritaire, atypique, têtue, bonne vivante, drôle, généreuse, courageuse, honnête, dure au mal, j' ai passé près d' elle, dans le vieux presbytère que j' aimais tant, quelques uns de mes plus beaux morceaux d' enfance.
La seconde voix, en italique, est celle de mon autre aïeule, la branche paternelle. Céline, née en 1903, sous le gris bleu des ardoises et du ciel des côtes d' Armor, dans une masure au sol de terre battue. Fille unique et accidentelle d' un père marin au long cours et d' une mère pleurant comme seules savent pleurer les femmes de marins. Nous nous voyions peu, hormis quelques vacances et lors de ces interminables dimanches dont je parle dans l' une de ces Mémoires. Je me souviens pourtant de cet après-midi d' été, où elle m' avait longuement parlé de sa vie. C' est en me souvenant de ce moment intime, à l' ombre d' un tilleul, bercée par le cliquetis des aiguilles du tricot qu' elle ne cessait de faire et de défaire, que ses mots, sont arrivés jusqu' ici.

Si tout est vrai dans ces pages, rien n' est rigoureusement exact. Ce qui m' importait n' était pas d' écrire une biographie mais au travers de ces morceaux d' existence, de dire l' amour que j' ai pour ces deux femmes, si différentes et pourtant si semblables.

Ces mémoires croisées leur sont affectueusement dédiées.

dimanche 21 décembre 2014

Secret des tombes ( 10 )


Rien ne pèse

Ni le ciel épinglant
Aux surgeons morts
Ses marées basses

Ni nos amours roulant des hanches
Comme les chats gantés
Sur des chemins
De nuit



lundi 15 décembre 2014

Secret des tombes ( 9 )


Passager de la brume
Flottant dans ton squelette
Noue ton rêve aux étoiles

Et souffle sur tes cendres

Car la terre endormie
Dépecée d' oiseaux noirs
Garde blottie sous le givre

La mémoire des jardins


mercredi 10 décembre 2014

Secret des tombes ( 8 )


Mots murés
Aux caveaux des gorges de pierre
L' horizon cerne nos enclos

Et l' amoureuse à son piquet
Mâchant l' azur
Jette les dés

Sur le feutre de l' aube



samedi 6 décembre 2014

Mémoires ascendantes ( 12 )


Un livre, c' est d' abord un parfum.
Fleurs des champs oubliées entre deux buvards. Odeurs d' école, de cuir, de cave, de plomb.
Un livre se prend par le nez avant d' y plonger le regard.
Un livre c' est aussi une musique. Je veux dire, même fermé.
Comme les sons de l' orchestre avant la symphonie.
Comme les larmes de sang avant la chanson triste.
Mon père me l' a appris.
Je m' asseyais sur le haut tabouret de la bibliothèque. Il posait un livre au hasard sur mes genoux et me disait " ferme les yeux, respire, dis moi ce que tu entends. "
Comprendre ne comptait pas, je faisais rouler les mots sur ma langue tandis que s' écroulaient les murs de la pièce, ceux de la grande maison, tous les murs de la terre que mon corps immobile parcourait en tous sens.
Des voyages, il y en eut beaucoup et je ne crois pas avoir jamais achevé un seul jour sans tourner une poignée de pages. A la clarté du premier rai, dans l' éblouissement du midi, sous la flamme vacillante d' une bougie, contre la lampe d' opaline, plus près, toujours plus près des petits signes noirs, mes carreaux comme des loupes et moi penchée jusqu' à toucher du nez ce qui m' échappait chaque jour davantage. 

J' ai perdu mes yeux, la lumière, au beau milieu d' un livre, entre des feuillets jaunis.
Et le monde s' est teinté de bistre.

                                                                               *

Il me faut la maison silencieuse et le doux clapotis des légumes cuisant dans le faitout.
Je m' installe à la cuisine et pose mon illustré sur le formica de la table. J' effleure la couverture. Les gros titres et puis la photo. Je lis sur les visages, dans les plis du satin le bonheur en amour et la boue des mensonges, la mort qui se tapit ou les enfants à naître...
Puis je mouille mon index pour lentement tourner les pages. J' aime les vies de gazettes. Nul besoin de parcourir des livres aux héros inventés quand le monde réel est peuplé de grands hommes ou de princesses au cœur pur.
Page après page, mon esprit s' envole. Je ne suis plus ni mère, ni épouse.
Je monte des marches recouvertes d' un tapis rouge. Je bois du champagne sur des terrasses dominant la mer. J' offre mes robes de bal à des œuvres de charité. Je tends ma bouche humide aux crépitements des flashs. Des limousines m' emportent et je ferme les yeux...

Et je rouvre les yeux.
Six heures viennent de sonner, l' eau déborde du faitout.

J' emballe les épluchures dans mes rêves de papier glacé.


                     

samedi 29 novembre 2014

Secret des tombes ( 7 )


Novembre au ciel catin
Ferme ses cuisses
Chaque soir un peu plus tôt

( il suffirait que tu m' attendes,
que l' ombre désavoue la nuit )


samedi 22 novembre 2014

Secret des tombes ( 6 )


Au couchant la terre fume
Sa dernière pipe
De paille
Et d' os

( sur nos serments, sa fumée d ambre .. )

dimanche 16 novembre 2014

Secret des tombes ( 5 )


Ce que tu laisses en petits tas
Sur le bord de ton trou
Nul n' en saura jamais

Les nuits comme des nasses
Et les heures sans haleine

Bras en croix
Sur la dalle

Glacée des espoirs tus


( ces barques aux cales pleines
 pavillons hauts de nos promesses
qui n' ont jamais passé le môle  )

jeudi 13 novembre 2014

Secret des tombes ( 4 )


Déroule
Ton vieux soleil décrépit
Que le ciel torve soutient à peine
Sur un jardin d' hellébores

Et sème
Tes ossements d' ange

Au ventre de l' endormi

( tout contre mes dents ta salive 
arche d' eau vive à son delta )

vendredi 7 novembre 2014

Mémoires ascendantes ( 11 )

Seule, depuis les langes. Depuis que j' ai quitté le ventre de ma mère.
Seule, dans ma robe de baptême. Seule, sur les genoux de papa. Seule, loin de mes Gâtines, sous des ciels stériles et des hameaux de sable. Seule à chacun de mes départs. Seule devant mes enfants. Seule à repousser le malheur. Seule avec Pierre et seule sans lui.
Seule dans la grande maison.
Seule.

Ma solitude est une vieille amante au sexe tranché.
Je lui parle. Elle me répond de sa voix d' écho.

Je ne saurais dire à quoi j' occupe mes jours quand chaque matin parait plus neuf qu' un ciel lavé après la pluie. Prier, se blottir en soi; se perdre au labyrinthe de soi. Fouler les saisons à petits pas serrés. Ouvrir les portes et les tiroirs. Rêver des cerises et des roses. Laisser rentrer le soleil. Les absents. S' attabler tous ensemble. Se serrer sur le banc du souvenir.

Et caresser les jours qui me restent, comme un ventre bruissant qui ne craint pas le noir.


                                                                             *

Emile est mort. Tout le monde est mort. A chaque enterrement je pense à moi.
Mes enfants, mes petits, je voulais vous garder contre moi, que vous ne quittiez jamais le ventre.

Je tourne autour du téléphone. Je guette les pas qui passent devant ma porte et ne s' y arrêtent pas. J' ai beau précipiter le tic tac des aiguilles de mon tricot, battre à la course celui du carillon Westminster, le temps s' arrête entre deux soupes, entre bonjour et bonsoir ou entre deux hivers. 
Pour dormir il me faut des pilules et un bonbon aux fruits. Je le laisse fondre sur ma langue et défilent les visages d' autrefois, dans un grand carnaval sépia.
Les voix se sont enfuies, avec les rires et les flonflons.

Je hais le silence où grogne ma solitude comme une chienne dans la nuit.





dimanche 2 novembre 2014

Secret des tombes ( 3 )


D' un pas vif et tranchant
Romps le sable et la lande comme le pain du dimanche

La lave de ton secret
Fige les quatre horizons


( au loin passe et repasse l' ombre d' un John Deere
comme un insecte fou )

mercredi 29 octobre 2014

Secret des tombes ( 2 )


Sous un ossuaire de raves
- petits crânes chevelus que les mouches asticotent -
La terre se défarde et lange
L' horizon de ses brumes

Plus loin le ciel emmaillote
Friches et cendres

       Du lourd tartan des secrets

( simplement, te revoir... )

lundi 27 octobre 2014

Secret des tombes ( 1 )


Terres hersées de novembre
Mûrissant leur secret

( du long sillon qui court de la gorge au pubis s' écoulent
en un flot rouge mes sables amoureux
jusqu' au lit des rivières.. )


Toi qui n' as soif que de toi-même
Te penches-tu seulement pour y boire ?                      

dimanche 26 octobre 2014

Mémoires ascendantes ( 10 )


J' ai placé la bergère devant la fenêtre et j' y vois plus loin que la rue.
Parce-que mes voyages sont devenus immobiles et mes bateaux encalminés, que mes déserts refusent leur peau de dunes à mes mains caressantes, que le chant poivré des villes lointaines ne titille plus ma langue, j' invente la mer Noire dans une flaque miroitant au soleil,  les chutes d' Iguazù dans un drap qui sèche au vent, une rumeur de souk dans un salut de femmes...
Jamais la terre ne m' a semblé si bavarde depuis que mes yeux se sont tus.
Le monde plus vaste depuis que mes hanches sont de verre.
Plus lumineux depuis que j' y marche à tâtons.

Et j' ai toujours à portée de main un sac paré pour le voyage: mon chapelet, quelques affaires de toilette.
Le reste n' est que poids quand il nous vient des ailes.

                                                                                *

Un voyage chaque printemps. Avec les vieux de Bagnolet. 
Je mets des jours à faire ma valise. Trois robes, un pantalon léger, des corsages, deux gilets pour le soir, maillot de bain, chapeau, lunettes noires... Jupe tailleur et talons hauts pour le voyage.
A la sortie de l' avion il y a quelqu' un qui nous prend en photo sur la passerelle et je ne laisse jamais rien au hasard. Le baise-en-ville d' une main, sur lequel je noue un foulard léger qui danse autour de mes hanches, de l' autre je tiens la rampe en souriant sous les flashs.
Pour un instant, je suis Marilyn ou bien Jackie Kennedy.

La mer du grand sud est une flaque immobile et bleue. Rien de comparable avec la sorcière mugissante de mon Trégor.
Mais ce que j' aime par dessus tout, ce sont les fleurs d' ici. Corolles de soleils pourpres décrochés du ciel, qui se disputent les façades de chaux blanches et les poitrines des filles qui les portent en collier.
Loin, si loin, les hortensias de mon enfance, aux pétales de granit et de pluie.

dimanche 19 octobre 2014

Exil ( IX )


Par trois fois la tête plonge
Dans le grand cuvier d' eau
Où les cheveux dessinent
Des ramures de broussailles

On croit que c' est pour boire
Mais c' est pour y noyer
Le cœur serré des gorges
Et la mémoire des lèvres
Tressant en un baiser
Des serments d' osier pourpre

Que décorde l' exil

mercredi 8 octobre 2014

Indigent

Dis, combien de rivières
Ont creusé leur lit sur tes joues
Et fait pousser sous ton bonnet
Des bras de poulpe ?

Epouvantail chassant les foules
Le métro est ton seul jardin
Quand s' ouvrent les portières
Qui te crachent sur le quai

Et demain te prendra la camarde
Avec la lassitude du vent
Qui disperse les feuilles

dimanche 5 octobre 2014

Exil ( VIII )


Jument piaffant, arc tendu
La nuit s' écoule
Entre nos doigts

Doucement tu entrouvres
Les lèvres
De l' exil

lundi 29 septembre 2014

Mémoires ascendantes ( 9 )


Ils défilent, un par un, endimanchés de noir. La famille, les amis, les gens des villages alentour. Ils entrent en tenant leur chapeau comme un ventre repu, s' attardent au bord du lit et sortent drapés de la senteur épaisse des lys, l' âcre fumée des cierges.
Tu te tiens dans la cuisine, les deux poings sur la table. Ta mère est face à toi. Le visage défait par les pleurs, la honte et la colère.
Ce besoin de comprendre, toujours...
- Un matin pareil, ma pauvre fille, tu n' as donc aucune pudeur...
- Je veux savoir.
- Mais à quoi bon puisqu' il est mort ?

Il faut nourrir ces gens et leur servir à boire. Recevoir leurs condoléances. Leurs lèvres mouillées de  larmes contre ta joue, leurs mains pétries de paroles qui ravivent les plaies croyant les consoler. Regards vissés au parquet que l' on ne peut saisir.
Eux savent ce qu' on te cache. Les derniers jours et l' agonie d' un père que plus personne n' osait approcher. Les heures de démence, les hallucinations. Les cris d' animal blessé face au corps qui refuse d' obéir.
Son mal avait nom de voyage. D' embrasements entre deux rives, charriant sa boue de déshonneur et de péché..
Le mal de Naples.

La ville où vous aviez fêté tes vingt ans.

                                                                                *

"Attrape le premier train. Père décédé. Je t' attends."
Tu ne relis pas.
- Rien de grave ? demande le facteur. Avec ces fichus télégrammes, on sait jamais si on porte du rire ou bien des larmes...
- Ni l' un ni l' autre, tu réponds.
Puis tu ouvres la cuisinière et regardes sans ciller l' enveloppe se tordre à la morsure des flammes.

Dans le train qui t' emmène, tu cherches des souvenirs. Le pastel tendre d' un moment d' abandon, où tu aurais collé tes lèvres fines contre sa joue en échange d' un présent ramené du bout du monde. Enfoui ta tête contre sa poitrine et laissé ses deux bras se refermer sur toi, les soirs où le vent rend fou.
Dans le train qui t' emmène, tu cherches et te cognes à la nuit.

Elle raconte, tout en recouvrant sa coiffe de drap noir. Le corps lardé de coups de surin, jeté comme un malpropre dans le port du Havre. La paie en moins. Elle raconte en se signant parfois, les gars qui l' ont cherché au matin, au hasard des bordels, jusqu' à ce qu' un pas de chez nous, un russe à ce qui parait, le trouve coincé entre deux coques, le ventre plus gonflé que la baleine de Jonas. Elle parle, donne des détails, se trompe, invente. Le capitaine plongeant de la jetée pour remonter le corps de celui qu' il appelait mon frère. ( Ils sont mariés à la mer, tu comprends. Ne se laissent prendre aux filets de nos cheveux que le temps d' une escale... ) Elle dit qu' il aurait mieux valu qu' une vague l' emporte plutôt que de sécher sous la terre. Que tout l' équipage sera là, qu' il porteront le cercueil à travers la lande jusqu' au pauvre cimetière où dorment ses parents.
Elle pleure un peu puis se reprend. Tu la regardes l' œil sec.
Comment lui dire qu' embrasser le front pâle de cet homme, au matin, t' a laissée plus glaciale que le souffle du Noroît ?


dimanche 21 septembre 2014

Mémoires ascendantes ( 8 )


Pierre s' est trouvé un toit, un vélo et un Dieu.
Il en baise chaque jour les lèvres, les yeux clos. Essuie d' un revers de manche, la buée formée sur le carreau de la photographie accrochée face à la fenêtre, à gauche du portrait de Lise.
Vladimir Ilitch Oulianov.
Dieu camarade.

A moi, il faut des églises. Le silence des pierres. Une lumière de vitrail.
Bercer l' ange sous ma peau, qui m' ouvrira le ciel.

                                                                            *

Le Dieu de mon enfance est Seigneur de granit et de pluie.
Il prend les hommes en mer, en fait des gisants de sel.

J' entends encore le bruit des sabots noirs des chevaux du Pardon. Ils tournaient comme un astre autour du vieux calvaire, tandis que nous agitions nos clochettes.
Au retour, les pleureuses égrainaient leurs morts, le long des chemins creux, en un long chant blafard.

Dieu de justice, comme ils disent, aurais-je mieux aimé ton fils, ce poupon aux joues roses, pendu au sein d' une mère plus douce que les femmes de chez nous, si le vent salé de la mer n' avait rongé tous les visages et depecé les cœurs des saints de nos enclos ?

mardi 16 septembre 2014

Mémoires ascendantes ( 7 )


Tu es devenu plus dur que le grain de ton nom. Plus sec que les déserts dont nous longions les frontières. Plus froid que les hivers d' ici.
Les heures fondent sur ta peau, comme du plomb et toutes sont pétries de Lise. Chaque ombre dansant au plafond, le café, les tartines, les ruelles de la ville haute, la cour pavée bordée de tilleuls et toutes les roses portent son nom. Les soirs d' été.. Lise, les pluies d' avril si tièdes sur la joue... Lise, la lumière de l' automne.. Lise, la neige chantant sous les pas.. Lise Lise Lise.. Notre Lise, au bout des traits de ton crayon, dans chaque sourire n' éclairant pas ton visage, plus vide qu' un avenir fermé.
Parle, Pierre. Tes mots sont un silence. Vois nos enfants qui s' égayent à tes pieds. Brise la vitre qui t' en sépare, balaie les cendres qui te les rendent opaques. Agace leurs quenottes de louveteaux avides à dévorer la vie. Leurs yeux sont des lunes pleines quand tu ne te repais que de nuit...
Est-il possible que, plus en croix que Jésus, ton cœur n' y soit plus pour personne ?
Il y eut trop de morts, mon amour, pour que nous en vivions à jamais la désolation.

Je vais te quitter, Pierre, quand tout mon corps appelle vers toi.
Je vais partir, quitter le tombeau. Remonter nos enfants à l' air libre, au ciel sucré, aux chants clairs, au goût de pain chaud et de cheveux d' ange. Aux odeurs de jardins ronronnant de rosée...

Je m' en irai demain, des braises plein la mémoire.
Plus forte à t' aimer seule qu' un phare que craindrait la nuit.

samedi 13 septembre 2014

Exil ( VII )


Plus profond que les coques
Sous le sable des grèves
Va ton cœur titubant

Poing fermé dans son ventre de mousse



dimanche 7 septembre 2014

Mémoires ascendantes ( 6 )


Janvier 1924

Je vous écris de la cour qui borde notre maison blanche. J' ai placé la table sous l' amandier en fleurs; pour lire, un vieux fauteuil de rotin près des mimosas. Où que j' aille, décidément, il me faut un jardin.
Nous avons quitté Casablanca et ses tumultes pour la paisible ville de Salé. Ici, on me félicite pour mon arabe que je parle sans accent, parait-il. Bien peu de nos compatriotes se sont donné la peine d' apprendre cette langue superbe, au chant rauque et profond.
Mon travail au lycée français me plait énormément. J' y ai rencontré un couple, en réalité une demoiselle et sa sœur, avec qui je me suis liée d' amitié. Grâce à elles et leur inénarrable voiture nous visitons la région dès que nous le pouvons. Rabat, Fez sont des merveilles mais j' aime par dessus tout me perdre dans les villages où l' on vit de rien, une chèvre, un carré de terre dure, Allah et quelques oliviers... Partout nous sommes accueillis avec une gentillesse et une simplicité que je n' ai connues nulle part ailleurs. Nous partageons un thé, assis à même le sol en échangeant quelques mots, des sourires édentés...
Pierre a trouvé du travail dans une fabrique de tapis. Son adresse et son savoir-faire font l' admiration de tous. J' aimerais tant que vous puissiez voir les somptueux tissages qu' il réalise et se vendent à prix d' or. J' aimerais tant que vous soyez fiers de lui...
J' ai reçu hier une lettre de mon frère Christian. Tout fou, comme d' habitude. L' air du Brésil ne semble pas calmer ses emportements...
Pauvres parents aux enfants voyageurs du bout du monde ! Que de soucis nous vous créons...
Heureusement que notre bonne Gisèle est plus sage.
Embrassez-là tendrement pour moi.

Tous ces mots pour une simple apostille: j' attends un enfant.
Pierre n' en dort plus tant il est fou de joie...

Août 1924

Notre enfant est né mort.
Pierre dit qu' il m' en fera mille autres, alors, pour un instant, je souris dans mes larmes.

Mai 1925

Je sors à l' instant du dispensaire. Ma pauvre sœur, tu serais effarée par les médecins d' ici qui n' ont rien de la bonhommie du cher docteur qui nous fit naître tous les trois. Je crois qu' ils enterrent davantage de malades qu' ils ne peuvent en soigner, des enfants à la pelle et des jeunes filles en couche. Je préfère oublier l' œil sec, les doigts glacés et le haussement d' épaules de celui qui m' a auscultée aujourd' hui. Tout va bien.. pour l' instant... fut la seule phrase que j' ai pu lui tirer !
Pierre est inquiet, je le sens, malgré tous ses efforts pour ne pas m' alerter. Comment lui faire comprendre ? Je sens la petite chose bouger dans mes entrailles et je sais qu' elle vivra...

Juin 1927

J' espère, maman, que ton voyage de retour ne fut pas trop éreintant et que l' ombre de ta tonnelle finira d' en guérir tous les maux..
Lise et moi sommes restées sur le quai à fixer le bateau jusqu' au tomber du soir. Elle agitait son petit mouchoir blanc avec la patience d' un oiseleur qui dresserait des colombes. Tu as vu comme elle fait tout ainsi, avec sérieux et cette grâce qui n' appartient qu' à elle.
Je sais ce que vous avez pu, par le passé, dire et médire, papa et toi, à propos des enfants de vieux. Si j' en crois vos propos, il tiendrait du miracle qu' une semence aussi fanée ait pu engendrer le soleil.

Août 1927

Gisèle, j' ai été si heureuse de ces moments partagés dans ce pays de vent et de lumière, loin de chez toi, qui reste aussi ma terre, car on ne quitte jamais celle de l' enfance.
Je suppose que tu auras trouvé Pierre bien changé. Son rire surtout. Rappelle-toi, comme il te faisait  peur. Tous les chagrins, toutes les rancoeurs et sa colère y roulaient comme une roche dans un gave en furie... Les yeux de Lise, ce regard si tranquille qu' elle pose sur toutes choses et sa bouche dont elle use pour manger le monde, ont eu raison de cette boue noire.
Tandis que je t' écris et qu' il lui sculpte un petit chat de bois, j' entends leurs deux rires clairs se mêler à la nuit.

Février 1928

Le diagnostic est sans appel. Leucémie.
Nous rentrons à Paris.
Prie pour elle, maman. Dieu n' a pas le cœur à faucher ainsi l' innocence...

Septembre 1928

Lise est morte.
Dans mes bras et les yeux grands ouverts.


                                                                                *

Ma chère cousine,
Tu es la première à qui j' annonce  la nouvelle: je vais être maman !
Que de chemin parcouru depuis ces jours de crachin, t' en souviens-tu, où nous nous enfermions dans le lit clos, moi te pressant de questions, toi y répondant d' un chuchotis d' abord et de croquis ensuite, des sexes d' hommes et puis de femmes, le mystère de nos entre-jambes...
Jamais nos mères n' abordaient le sujet, la bouche serrée, le regard grave devant nos yeux interrogateurs chaque fois qu' il poussait un gros ventre à celles dont les époux prenaient la mer et revenaient papas.
Et ce jour de novembre où rentrant de l' école, j' avais senti contre mes cuisses la moiteur épaisse du premier sang, et toi, riant de mon inexpérience - tu es de deux ans mon ainée - calmant ma détresse à coup de paroles douces et de bonbons au miel...
Tu avais raison, pourvu qu' on ne tombe sur une brute, ces choses-là se font le plus naturellement du monde et s' il me vient une fille, je lui donnerai ton nom.

C' en est fini de ma carrière de mannequin, je m' arrondis de jour en jour... Mais je ne suis pas de ces femmes qui s' enlaidissent parce qu' elles vont être mères. Je ne sors jamais sans mon bibi, même pour aller chercher le pain ! Le soir, je tricote en écoutant Emile me raconter sa journée. Une couverture, un manteau à capuche, de minuscules chaussons fermés par un ruban, composent déjà le trousseau.
Comme tu me manques en ces instants !
Viens me voir à Noël. Je serai près du terme. Il n' y aura que ton rire pour apaiser ma peur.





samedi 30 août 2014

Exil ( VI )


Tu es la mer et dessous l' onde
Le vent qui fait lever la vague
Et emporte en ses serres
Le surgeon mort
Des vies à cru

Nos ivresses
A genoux
..

lundi 18 août 2014

Exil ( V )


Comme un tintement d' os
Une langue de couteaux
Ton silence perle encore

Au cloître de mes nuits

dimanche 17 août 2014

Mémoires ascendantes ( 5 )


Il est couché dans l' herbe, je ne vois que son dos. Le bras qui ondule à ses hanches. Je devine la brindille qu' il tient entre ses lèvres, dont vole l' extrémité comme une mouche tenace.
Je ne sais rien de son visage.
Il sifflote. Un chant plus léger que l' air. La salopette maculée de plâtre, de poussière blanche. Derrière lui la maison grande ouverte semble sourire aussi. Ma mère a dit: " ce garçon a de l' or dans les mains, mais il est indomptable.. "
Je connais les hommes sans en avoir jamais touché un seul. Aux Langues Orientales je suis la seule femme. Je connais les hommes et je les place plus haut que tout. Leur intelligence, leur force me fascinent. Rien à voir avec le poulailler bruissant de mes années d' Allemagne, ces classe de filles où je m' ennuyais à mourir.
M' a t' il deviné, je ne sais pas. Il fait trainer la pause. Ma mère dit encore: " la fin des travaux, comment savoir avec ce chien fou.." Un coude replié, il a posé la tête dans sa main. Je vois maintenant son profil. L' œil qui se promène en clignant d' une cime à un nuage. Les lèvres sous la barbe déjà grise. Il est de ceux qui portent à leur front la douleur de l' enfance, sur les joues les chemins creux des terres de solitude. Le farouche et l' abandon mêlés dans leur sourire qui fait baisser les yeux.
Il me sait dans son dos, désormais j' en suis sûre, mais ni lui ni moi ne bougeons même d' un souffle. Il me semble qu' un vent tiède baigne nos deux présences.
Bientôt ce serait le Simoun, ardant nos cœurs radieux.


L' eau se fend à la proue dans des senteurs de menthe. Nous sommes restés toute la traversée contre le bastingage. Je ne voulais rien perdre des odeurs et du vent, des couleurs de la brume. De la chaleur de Pierre se pressant à mon dos.
Nous n' avons rien voulu garder du mariage. Ni argent, ni présents, ni photographies. Oublier la mâchoire serrée de mon père, le sourire crispé de ma mère. Au repas champêtre, que même le vin n' égayait pas, ils parlaient de mon homme comme d' un semi gueux de vingt ans mon ainé.
Nos noces commenceront là, sur cette terre inconnue qui se découpe au large.
Pierre, Pierre, Pierre.. je fais rouler ton nom dans ma gorge chaque fois que j' agonise au feu de tes baisers.


                                                                                *

Paris ne cesse de me surprendre. Chaque jour m' offre un rêve à ouvrir comme un présent de Noël. Pour preuve, hier soir, j' ai rencontré mon mari.
Il ne le sait pas encore, les garçons ne voient pas ces choses là, mais moi dans ma tête, j' ai déjà dessiné la robe de nos fiançailles.
Les hommes ici, c' est pas ce qui manque. Au début, ils me faisaient peur. Je me piquais le doigt, ratais le point, chaque fois que je sentais le chef d' atelier contrôler mon travail, penché par dessus ma nuque. Quand l' un d' eux m' abordait dans la rue je devenais pivoine. Mais le jour où le patron m' a fait monter dans son bureau pour me dire, en bafouillant, que si j' étais d' accord, demain, j' oubliais la couture et devenais mannequin, j' ai senti quelque chose changer en moi. J' ai compris que les hommes, sous leurs grands airs, n' étaient pas si forts qu' on le croit.

Un bal. Un petit bal de quartier. Les copines d' atelier et moi, nous n' en manquons aucun. Paris n' est pas si grand, souvent nous retrouvons des visages, ou bien, si on les oublie, on sent à la façon d' attraper nos tailles, à la moiteur d' une main, à la gaucherie ou à l' expérience qu' on a déjà valsé avec tel ou tel, ailleurs, sur une autre place, sous des lampions ou le soleil.
Et puis il y a ceux qui ne dansent pas. Ils sont assis, tout autour de la piste et nous regardent passer d' un partenaire à l' autre ou boire nos citronnades en gloussant. Ils disent qu' ils nous courtisent mais ils n' osent jamais rien. Hier, il y en avait un nouveau. La mise impeccable, il tenait ses gants blancs posés sur la cuisse. Fines moustaches, sourire d' ange. J' ai fait comme si je ne le voyais pas, mais mes amies, ces garces, ne cessaient de me donner des coups de coude en pointant leur menton dans sa direction. Quand nos regards se sont croisés, j' ai su qu' il serait à moi.

Je ne fais plus que penser à lui. Sa façon de frotter son oreille de l' index en me suivant des yeux. Je lui invente des prénoms et des vies. Une voix. J' imagine les premiers mots qu' il me dira " je ne danse pas, non, mais j' aimerais vous offrir un verre " en écartant un peu le bras pour que je m' y agrippe.
Je compte les jours et les nuits avant le prochain bal.
Alors, il osera...











































































































lundi 11 août 2014

Exil ( IV )


Et derrière sont les mots
Lâchés comme des loups
Sur des chemins d' ivraie

Toi qu' à peine j' ai frôlé
Qu' as-tu fait
Du poème ?

vendredi 8 août 2014

Exil ( III )


Les tourments d' ici sont amers
Et tout se défait sous la peau

Mes mirages écorchés
Aux brisants

De ton ombilic



mercredi 6 août 2014

Mémoires ascendantes ( 4 )

Elle est entrée comme un chat en serrant tout contre elle un paquet entouré d' un linge rêche. La robe mal boutonnée laissait deviner les larges aréoles de ses seins alourdis. Elle a posé le paquet, devant toi, sans dire un mot ou peut-être s' il vous plait. L' ombre gagnait le bureau. Bientôt, on n' y verrait plus.

En quelques heures, la ville entière s' est saignée de ses habitants. Tous enfuis comme des rats. Tes enfants préparés à la hâte. Toi, comme toujours la tête haute et les mots rassurants. Au fond, la déchirure. Les larmes de ta fille sur les vitres de la Panhard. La petite main qui s' agite. Et ton envie de courir derrière. Mais le devoir... Il y a ces enfants, pas les tiens, dont tu as la charge. Des gosses de riches, de paysans cupides et gras. De pauvres filles en vérité, oubliées derrière les grilles du pensionnat...
Les rues désertes résonnent déjà du pas des ennemis qui approchent. Derrière les volets clos ne restent que quelques vieux qui ne veulent pas mourir ailleurs que dans leurs draps. Toi et ta poignée de filles. Et puis cette femme inconnue qui vient de poser un paquet sur la table, en te fixant de son regard de folle.
Tu as défait le tissu et la petite chose encore molle a roulé sur le bureau. Visage grimaçant d' un nourrisson qui cherche à sucer l' air plus encore que le sein. Tu as levé les yeux sur la femme et pour elle les larmes sont venues. Dans ton ventre dansait encore le souvenir de ta petite Lise, morte au troisième automne. Et cet enfant, avant elle, dont jamais tu n' entendis le cri.
Même poings fermés, même petites jambes torves. Même douleur.
Tu as roulé la couverture sur le corps minuscule comme on le fait pour les oiseaux blessés. Tu l' as pris dans tes bras et la femme t' a suivie. Une boite en carton. Quelques prières crachotées. Un jardin pour cimetière.
Et dans l' ombre du soir, vos silhouettes titubantes, recouvrant de terre noire le petit corps de
l' ange...


                                                                              *


La Der des Der, j' avais onze ans. Pourquoi faut-il que ça recommence?
Nous avons quitté Neuilly il y a un mois tout juste. Les livres des enfants, quelques photos, mes robes et les chapeaux que je fabrique moi-même, empilés dans des malles à l' arrière de la voiture.
Ici, dans cette cour de ferme, on ne parle pas de la guerre pareil.
Mon beau-père me fait peur, la bouche scellée sur ses secrets d' enfance. Son épouse est une sainte, plus douce que ne le fut jamais ma mère et leurs filles sont mes sœurs. Le soir après dîner nous sortons prendre le frais à l' ombre de la grange. J'oublie peu à peu les alertes nocturnes, qui nous faisaient nous serrer dans les caves, et les tickets de rationnement.
J' ai cousu, dans un tissu léger, une robe tablier d' un assez bel effet et j' ai remplacé les chapeaux par des bandeaux fleuris dans mes cheveux. Je hais le noir et les jupes lourdes des femmes du coin. La ville me manque et ses satins..
Je ne pourrai plus cacher longtemps mon ventre qui s' arrondit, mes seins qui s' épanouissent comme des soleils d' avril. J' ai passé quarante ans. Un âge indécent pour afficher qu' on se frotte encore dans le silence des chambres. Pour la troisième fois, je vais donner la vie.
Ce sera un garçon, je le sens à sa façon de bouger tout en bas.

Midi, le soleil cognait dur. J' ai voulu porter seule cet énorme seillon. " Dans ton état ..", a dit ma belle-mère. C' est juste après que j' ai senti mon ventre se fendre, le sang couler à l' intérieur de mes cuisses. On m' a couchée dans le grand lit. Les hommes étaient encore aux champs. Les femmes en noir ont fait ce qu' elles ont pu.
Il est né mort. Pas plus héros que chair à canon.

jeudi 24 juillet 2014

Exil ( II )


Midi s' ébroue au fracas des John Deere
Nulle ombre sur la place

Deux yeux d' abord des yeux d' azur
D' un coup sec la mort s' est brisée

Et le temps comme un vent de misaine au plus gris du gros temps
Parfume de vertige nos brûlots de mémoire

Je veux m' étendre et nue tout contre tes silences
Sens mon corps éperdu qui honore le festin


Plus haut l' église entremêle ses deux chœurs
En un baiser de pierre
...

mardi 8 juillet 2014

Exil


Ici, les nuits sont d' os
Et de silex

Sur la pierre blanche
Où le soleil est nu

Tu habites encore mes silences


dimanche 6 juillet 2014

Mémoires ascendantes ( 3 )


Tu souris mais tes yeux ne me voient plus.
La chambre, le bâtiment, les marches, les pavés de guingois, la porte de l' église.
Une place, toujours la même, à gauche du Saint des Saints. Et le silence ensuite.
Tes mains sont jointes, je te sens m' échapper. Un voyage immobile.
Tes anges, tes morts chantent leur chanson douce. Trouver la paix dedans, Seigneur, quand le monde n' en finit pas de recracher ses cendres.
Dehors, la lumière m' aveugle. Je suis comme toi, je dis alors, en volant ta canne blanche...

La maison du curé. C' est là, dans cette cuisine obscure que toute jeune fille tu appris le latin, un œil en biais sur le jardin.
Vacances au bord du Loing. La branche maternelle. Carriers de père en fils. Les grands chantiers parisiens sont une manne. Le Sacré Cœur, dont on vante la blancheur et le grain, une fierté familiale.
L' odeur des blés, les horizons lointains et le chien à trois pattes...
La forêt, les sables et la rivière, plus échevelée que ton Aubette.
Ici bat ton sang.

La maison du curé est devenue la tienne.
Celle des enfants, des amis, des sans-toit, des prêtres défroqués, des abbés du dimanche.
Le nid de mon enfance.
J' en connais chaque détour, chaque parfum. Je sais comme elle s' étire dans les matins d' été et comme elle se fait ventre dans le froid de l' hiver.
Ou comme elle se pavane, enturbannée de mauve, sous les lilas d' avril.
J' ai scindé les bois alentours en parcelles imaginaires qui portent toutes un nom.
Les arbres du jardin sont mes premiers bateaux et les murets des îles.
Trois bancs pour un cheval, le grenier est mon ciel.
Ta chambre mon seul refuge.

Et tes mots mon cordage.

                                                                                *

Avant j' aimais les dimanches.

Avant la robe des jours de fête qu' il ne faut pas salir.
Avant l' interminable voyage, à l' arrière de la Peugeot qui sent le neuf des jours prospères.
Avant le ciel qui se referme sur un parking dont les arbres sont en cage.
Avant ces jours au goût amer de grisaille et d' ennui, de trop mangé et de mélancolie.

L' ascenseur sent l' urine. Plus on monte, plus on glisse vers les profondeurs. 
Septième étage. Couloir de gauche, porte C.
Chant métallique de la sonnette dont il faut tourner le bouton. Glissement sourd du petit cercle de cuivre qui recouvre l' œilleton. Claquement sec des trois verrous. Tu nous serres dans tes bras. Me voilà en prison.

Ce n' est pas contre toi. J' aime ton rire, ta poudre de riz, ton moka et tes histoires de midinette. Mais tout est si petit, ici, qu' on ne sait pas quoi faire de son corps.

" Mangez, mangez, c' est si vilain les enfants maigres.. "
Tu en as encore fait pour un régiment.
C' est au canard toujours que s' échauffent les esprits. Derrière le plat fumant, le repas vire au pugilat. L' argent, de Gaulle, Karl Marx, le Capital... Tu ne dis rien, tu souris.
Si Emile était encore là...

C' est interdit d' approcher la fenêtre. Toi, tu as peur de tout.
Le skaï rouge de la chaise colle à mes cuisses nues, les clous font des ronds sur ma peau.
Je coiffe les longs cheveux de ma cousine.
Et le temps s' écoule à l' envers à force d' être immobile.


Ce n' est pas contre toi, mais avant j' aimais les dimanches..
Avant les dimanches à Bagnolet.



jeudi 26 juin 2014

Mémoires ascendantes ( 2 )


Je porte en moi pour toujours, cette terre chaude et limoneuse, l' enfance, comme un été sans caprice.
Longue demeure, sur les bords de l' Aubette, la minoterie de mes aïeux. Parquets Versailles, meubles cirés, tapis d' Orient. J' apprends à lire sur la petite commode marquetée dont chaque tiroir illustre une fable. Plus tard sur les livres recommandables qu' une jeune fille de mon rang doit connaître.
Ma sœur est déjà promise au fils d' un notable de la ville.
Mon frère traverse la vie en éternel indien.

J' ai hérité de ma mère, non la grâce naturelle, la gorge pleine et la taille fine, dont raffolent tant les peintres, mais cette volonté farouche et ce désir d' horizon.
User mes yeux de myope sur les rebords du monde, déchirer les brumes ouatées d' une existence écrite avant d' être vécue.
Mon père dit que nous n' avons nul besoin d' aller chercher le bonheur plus loin.

Je passerai ma vie à le poursuivre ailleurs.

                                                                             #

Le Trégor. Quelques masures de granit et sol en terre battue. Des femmes seulement. Les hommes sont en mer. Certaines sont folles à force de déchirures.
Mon père est marin au long cours. Je n' ai ni frère ni sœur. Ma mère est ma seule ancre et j' ai peur pour sa vie.
A l' école, je ne me mélange pas aux autres filles. Je ne parle pas français et elles rient méchamment en montrant mes sabots. Je garde la tête haute, non par bravade - j' ai peur de tout- mais grand-mère se fâcherait si j' abimais les pans amidonnés de ma Toukenn.

Demain, j' oublierai ma langue, je le jure, pour qu' on soit fière de moi.

Ma maison est au bout du monde; le chemin creux me terrifie. Parfois, à mi-course, surgit la pleureuse du hameau qui n' a qu' une dent et sent l' oignon mêlé de beurre rance.
" Ton père est là.. "
Il se lave à grande eau dans le baquet de la cour. Je n' aime pas le voir nu. Encore moins  l' embrasser. Son visage large et sa moustache d' épines me font horreur. Comme les bruits de la nuit, ses empressements d' homme, moi chassée du lit clos, de l' odeur de ma mère...
Il parle de ses voyages et de paysages inconnus. De femmes aux ventres doux.
Nous l' écoutons sans mot dire. Reprenons vie à chaque départ.

Je suis d' une terre nourrie de larmes, pétrie de mains noueuses à force de se tordre.
Une terre qui ne porte pas ses morts que la mer lui ravit.
Une terre grise, d' ardoise, de landes et de calvaires, de chants perdus aux vents marins.

J' apprendrai à rire plus tard, à ouvrir mon visage, dans la ruche bruissante et joyeuse d' une cour de ferme, au fin fond du Poitou, le matin de mes noces...


jeudi 19 juin 2014

Mémoires ascendantes ( 1 )


Ma peau est une terre froissée. Trois cent soixante douze saisons y ont creusé leurs rivières.
J' ai dix ans.
Depuis trois jours, j' ai dix ans.
Je trace des marelles sur le sol de la chambre. Quand le caillou dans ma tête tombera sur le paradis, il sera l' heure. Je sentirai le mufle tiède fouiller mes lèvres, poisser ma langue.
Et la main douce du bon Dieu caresser mon front.
Je n' ai pas peur.

Mes yeux sont secs de toutes les larmes que je ne verserai plus.
                                            

                                                                             #

                                                                     
Mon lit est une prison. J' aperçois le ciel, auquel je n' ai jamais cru, derrière ses barreaux blancs.
Elle s' est approchée et j' ai vu qu' elle portait la vie. Elle n' a rien dit. On tait les ventres qui bougent à ceux qui vont s' éteindre.
J' ai laissé mon dentier, le peigne et les bijoux sur la table de nuit. Ma chemise baille un peu sur mes seins qui ne sont plus ces fruits, nourris de pluies d' avril, ma fierté.
J' ai poudré mon visage de cendre.
Seuls, mes yeux d' oiseau ne se rendront pas.

Je donnerais ma vie pour vivre encore un peu.
Tenir l' enfant qu' elle porte.

Et fendre en deux ma peur.

samedi 7 juin 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 11 )


Au ventre des nuits claires
Ton ombre défroissée
Au fleuve éperdu
De mes doigts
...

Lui:

Misérable saillie
A mon ciel déchiré

Que ces noces garance

jeudi 29 mai 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 10 )


Vertige
Du jardin embrasé
Au chant  mouillé des gorges
Des caresses séculaires

Sais-tu comme on se perd
A force de se rêver ?

mercredi 28 mai 2014

Pensées sous l' orage


Nous cherchions des noms aux sentiers
Que nous ne prenions pas
Chemin du long de l' île
La sente aux fougères brunes
Et la pluie tombait drue
Sur ta casquette de vieux marin

Je me calais
A l' arpent de ton pas
L' allonge de tes secrets

Tu n' es pas fait du sang
Des arbres que l' on coupe
Et si la mort te prend
Que la cognée entaille
Les entours de l' aubier
Ce sera droit et digne
Un mât dans son feuillage,
Et la voilure au vent

Cinglant des cieux
Inachevés

mardi 20 mai 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 9 )


Un mal de sel
En soi

Le corps à la vigie

Le lent fado des îles

Des jardins
Sous la neige

mercredi 14 mai 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 8 )


Corps de vierge englouti
Au ventre de l' esquif
Quand prendra fin ton quart
De houle et de brumaille ?

L' œil fendu à la proue
Chalut raclant les fonds
Fument encore des fantômes
De varech et d' écume

dimanche 4 mai 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 7 )



De tes mains de salpêtre
Tu ravaudes en rêvant
Une boucle de brume
Toi, qui ne sais de la mer
Que le filet épris
Des roseraies sous marines
Chavirées d' impatience

Ramendeur
De mes amours
De contrebande

mercredi 30 avril 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 6 )


Rameur
Aux jardins immergés
Emmêle tes doigts de poulpe
A la criste marine
Des gouffres où je t' attends

Plus haut la mer grise et morte
Pleure
D' un gabier sans départ
Les amours démâtées

samedi 26 avril 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 5 )


Harponne mon rêve à la proue
De ton lit sans cordages
Je te veux ruisselant de mer
Le corps tendu à la jetée
Amorçant ton désir de nacre
Et tes baisers d' écume

Laisse la vague
Qui roule nos hanches
En spasmes de corail

Déferler aux brisants




samedi 19 avril 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 4 )


Tant de lunes à traquer
Le mot comme le loup
Livré depuis le nid
Au silence des broussailles
Tant de veilles à vider
Le sac fumeux de signes noirs
Et les voir se cogner
Comme des insectes vides
Au halo du fanal

Mots empoignés défilant en phalanges
Ordonnés et dociles
Mots de misère, mots indigents
Quand je voudrais pour toi
Une langue d' orage
De houle, de lave et de sang pur
Une syllabe une seule
Que viendrait féconder
Ta bouche
...

jeudi 10 avril 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 3 )


Avril a beau se déhancher
Au son des castagnettes
Ces jours empestent le caveau

Tu es parti
En laissant derrière toi
Un jardin de silex
Une bouche crachant ses cendres

Eteignant les sources
Asséchant les sèves

Dérobant le bleu des lilas

      

vendredi 4 avril 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 2 )


Que sourde l' eau
Du jardin empesé de terre
Qu' elle déverse
S' écoule
Et se dilate
Comme un jet de baptême
Un flot de digues rompues
Une eau de marée
Et de sang
Une eau de sel
Dénouant sa voilure
Pour la claquer au vent

Une eau de peau et de salive
Qui saurait étreindre le feu
Et inonder mes nuits
D' une langue liquide
Qui brûlerait mes flancs

samedi 29 mars 2014

Jardins clos, mers intérieures ( 1 )


Les murs de ta peau
Sont ma maison
Et tes songes un jardin

Baignée à tes sources de fièvre
Séchée au vent des impatiences
Toute nue
Je cueille à tes lèvres
Le verbe comme un fruit

Chahutée dans tes mousses
Ivre sous les orages
Chaque fois que le cœur déborde
Et vient cogner contre les dents



jeudi 20 mars 2014

Chemins de nuit ( 5 )


Le temps s' est vidé comme une outre
Dans le silence des nuits je te rêve à voix haute
Je suis le cheval fou prisonnier du parcage
La chaux vive qu' on voudrait contenir

Je veux poser encore
Ma bouche sur tes nuages
Le ciel frangé d' écume
Où tu ouvres les ailes
En écorchant mon nom





lundi 10 mars 2014

Enfances ( II )


Le dernier buisson avant la victoire.
Retrouver la lumière, courir comme on se tue. Parfois, je le fais les yeux fermés, pour sentir le soleil, encore plus, sur ma peau.
Quatre-cent.. vingt et...un. La voix trainante de celui qui s' y colle. Le regard acéré ramène inexorablement le corps pataud de V. à la ligne de départ.
Pliée en deux comme le laurier qui me protège des yeux impitoyables du loup, je regarde mes pieds. Frotte mon menton sur un genou, lisse comme un nœud d' olivier, pour contenir le gros caillou qui barre soudain ma gorge et fait les jambes de plomb.
Pleurer, parce que le chat est mort, qu' on a perdu aux billes, égratigné sa peau ou que maman s' en va, je sais. Mais quand le monde est rond..
Mais à deux doigts de l' arrivée, le moment tant attendu de se jeter dans le vide, de courir, courir droit devant, en retenant son souffle et danser sur un pied en signe de victoire...
Le soleil a beau prendre sa part au jeu, le temps s' étirer comme un fil de barbe-à-papa, c' est l' hiver tout à coup. Je suis vieille. Je pleure sans larmes, petit soldat pris au piège d' une armée de pourquoi.
On s' inquiète. On m' entoure. Les copains.. Il me semble les voir pour la première fois. Si libres encore. On m' interroge. On veut savoir...
Mais comment dire la nuit au beau milieu du jour ? Le silence dans le rire des enfants ?
La marge, quand tout reste à écrire...

Offrir, déjà, sa nuque frêle à la morsure qui n' a pas de nom.

mercredi 5 mars 2014

Enfances

L' enfance en miettes sur le trottoir, que les pigeons s' arrachent.
Recroquevillée sous l' arbre aux gousses qui claquent comme un feu d' artifice, elle essuie de sa bouche les trainées de salive qui poissent encore les dents.
Il avait dit rien qu' un baiser...
Rien qu' un baiser pour un ballon c' était honnête. Elle avait tendu la joue. Vu le sourire triomphant sous le fin duvet noir s' approcher impatient de ses lèvres. Senti sa grosse langue comme un mollusque tourner consciencieusement dans sa bouche. Tout le temps, elle avait gardé l' œil rivé sur le beau ballon jaune que le pied maladroit de cette imbécile de C. avait propulsé dans la chambre et qu' il avait finit par rendre au bout d' un siècle et le sourire en moins.
Il ne faudra rien dire...

Mais à lui, elle raconte toujours tout. Assis sur le ballon, mâchoires et poings serrés, il gronde qu' il fera payer ce vicelard. Vice-lard, connait pas, mais le mot l' amuse. Il fouille ses poches, en sort une vieille sucette à moitié mâchouillée.
Pour changer de goût, il dit.
Elle lui demande s' il a déjà pensé à ça, fourrer sa langue dans sa bouche à elle. Il répond que non, que peut-être. Que rien ne presse. Que c' est quand elle voudra.
Elle le regarde. Ses yeux de chat, ses jambes maigres et tordues de gosse poussé trop vite.
Il est tout ce qu' elle aime.

Un jour, plus tard, elle se dit qu' avec lui, sûr qu' elle trouvera ça bon...

mercredi 26 février 2014

Chemins de nuit ( 4 )


Je ravaude les mailles
D' une nuit apaisée

Déchire du bout des dents
Epines et brûlots

Laisse-moi offrir
A ton corps de pierre

L' arche pure de ma bouche
Dans un matin de lait

lundi 24 février 2014

Chemins de nuit ( 3 )

Accoudée aux étoiles
J' écouterai la lune
Me raconter ses fièvres
Le souffle mat
De mes pieds nus sur le pavé

Oiseau de cendre
Qui craint le jour

La rumeur de tes lèvres

dimanche 23 février 2014

Chemins de nuit ( 2 )


La nuit comme une amande
Colore de bleu Calabre
Le feu de ton iris
Qui m' attend
Sans ciller

vendredi 21 février 2014

Chemins de nuit ( 1 )


La nuit peut bien poser sa croupe
Sombre
La lune au front du labyrinthe
Suffit à mes yeux de renarde
Pour trouver le sang vif
Du chemin que j' épuise

Quand je marche
Vers toi

lundi 17 février 2014

Vol de nuit


Toi qui viens de la mer
Qui jamais ne ramène
Sa vague vers le couchant
Va, cours, chevauche à cru
L' animal piaffant
Encanaillé d' azur
De ta nubilité

N' aie pas peur, tu sais bien
Un ciel seulement, nous sépare

dimanche 9 février 2014

Le silence et les pierres


Tu as fini par t' y asseoir devant ce mur
Ramassée
Semblable au caillou qui prenait tout ton ventre
Petit tas sombre
Dans la flaque rouge de tes voiles écorchés

Des jours à t' y cogner
Trop haut trop dur
La gueule en sang et puis les mains
Tu as fini par t' asseoir
Lentement comme on se noie

Et les pierres pleuraient avec toi
Qui n' ont pas le cœur qu' on prétend

Tu voulais juste tourner encore
Et qu' on te parle
Des mots d' amour des mots de rien
N' importe quels mots mais une musique

Car le silence ne parle bien
Qu' à ceux qui sont debout

dimanche 2 février 2014

Satin

la nuit n' est jamais noire
sous la paupière de l' amante
au fond des chambres je te sais
tu es derrière chaque porte
que je n' entrouvre pas

juste avant l' aube
le corps ouvert
mourant contre le tien
maintenant que tu as un visage et un sang

mercredi 29 janvier 2014

Blues ( V )

Quel nom donner
Sans se trahir
Au feu qui nous délie
A l' espoir innocent
Au sexe ourlé d' embruns ?

Vois, nos langues sont tatouées
Du sang noir
Des violettes

samedi 18 janvier 2014

Blues ( IV )

J' ai rêvé de ta vie
Je crois que j' y marchais

( tes jardins avaient un goût de peau et de mélisse
d' herbe froissée sous le jeu des corps ivres qui vont prendre le ciel )


Mais l' aube voûtée encore
Vint reprendre à la nuit
La lune
Et mes escales

mercredi 15 janvier 2014

Blues ( III )



Car où que l' on se pose
C' est toujours face à son chagrin

Au front des yeux qui te résistent
Tu voudrais pourtant peser moins
Que l' ombre
De ton ombre

samedi 11 janvier 2014

Blues ( II )

L' œil
En dernière sentinelle
Au champ d' honneur compte ses cendres
Et leste la rivière
Du gros barda de larmes

Qu' on n' a plus la force
De verser


mercredi 8 janvier 2014

Blues (I)

Je ne sais plus penser au matin
Comme à un ciel lavé
Qui offrirait son pis
A ma bouche assoiffée
D' emmêlements
Et de roses

A quoi bon s' éveiller
Dans un champ de draps d' ombre
Quand n' y pousse aucun mot
D' amour à moissonner

Tes lèvres sous mes lèvres
Sont un hiver de plus...

samedi 4 janvier 2014

Qui ( fin )


Rabats le clair linceul
Sur la plaie de tes os
Ton sang vif d' amoureuse
Ta main n' a rien saisi

La nuit n' était pas assez vaste
Pour y loger ton rêve
D' écume


( à Vous.. )



jeudi 2 janvier 2014

Qui ( 6 )

Laisse là le manteau
De fauvette apeurée
Et balaie devant l' âtre
La suie des mauvais jours

Pour Lui
Tu avais confié tes légendes
Au passeur
De pensées