mercredi 30 novembre 2011

Naître


Pour l' enfant nue du bord des fleuves
Qui l' âme à son ouvrage
Et le sourire ailleurs
Pousse d' un bout de bois doux
Des bateaux en papier
Qui ne sauraient rien
Des naufrages
Je suis née pour cela
Comme à chaque aube encore
Je veux croire aux promesses
D' un été qui s' étire

Tu es venue les yeux ouverts
Je l' ai voulu
Depuis je sais

On ne naît pas

On tombe
Infiniment
...

dimanche 27 novembre 2011

Amis

Une amie, dit elle au type en guise de présentation.
Et comme il semble un peu ailleurs, elle réitère: une amie...

Il est des jours où je maudis mes parents de m' avoir faite si polie, si soucieuse des autres ou si lâche de ne me permettre d' ouvrir en grand ma bouche. Tu ne dois pas en avoir beaucoup, toi, des amis, pour galvauder ainsi ce mot dont tu ignores jusqu' à la moëlle...

Dans le grand bazar des rencontres, je me suis égarée quelquefois. Il y eut des forts et des fragiles, des brillants qui perdaient tout leur or une fois franchi les murs de ma maison. Des timides qui cousinaient avec le soleil. Il y eut des faux, des contrefaçons, des mal finis, des erreurs d' étiquetage. Et puis ce petit lot, à l' écart, qui ne payait pas de mine, tenait dans une seule main. C' est pour consommer tout de suite ? a demandé la caissière. Tout de suite, non, il faut du temps pour faire un arbre. Mais demain, oui, et après demain et jusqu' au fond du trou.
Car mes amis vois-tu, sont l' exact opposé de toi. Ils sont vrais et profonds, blessés et drôles; ils donnent sans calcul, n' ont pas de certitudes. Ils ont l' enfance au bord des yeux qui n' en finit de leur creuser des rides. Ils ne jugent pas ce que je suis, ne sourient pas à mes défaites, ne jalousent pas mes fulgurances. Ils prennent de moi le limpide et le noir, les errances, les excès, ce qui m' enchante ou bien m' accable...
Et s' ils ont à me présenter, ils disent seulement mon nom. Cela suffit pour y loger l' espace de tout ce qui nous lie.

Alors, si tu es ce que tu ne seras jamais pour moi, s' il te plait, ne m' appelle plus, ne dis rien.
Fais comme si je n' existais pas.

mercredi 23 novembre 2011

Les oies sauvages



On marchait dans la rouille
La terre noire des bruyères
Dans la poche
La tristesse
Pour une heure muselée
Les poings serrés dessus
Juste avant le vacarme
L' ombre blanche a lézardé nos joues
Dans le ciel
Déchiré
D' un V
Et sa virgule

Oies des moissons
Anges obscènes
Affamées d' ailleurs et de ciels
D' ors ibériques
Et l' oeil à la vigie
Quand nous
Aveugles
Tombés
A côté de nos rêves
Nus parmi les mûriers
Cailloux aux pieds de glaise
Dans nos peaux que personne
Ne voudra plus toucher
...

samedi 19 novembre 2011

L' atelier



Elle a poussé la porte
En disant qu' il ne fallait pas
Que c' était comme rouvrir
Les coffrets de l' enfance
Tu as dit simplement
Je ne suis jamais partie
Toi perchée comme avant
Les jambes nues dans le vide
Dans le sang des copeaux
Tu ne voulais pas dormir
Fermer les yeux ni ronronner
Il te fallait des nuits sans lune
La solitude des louves
Pour croire au rêve immaculé
Longtemps tu n' as plus voulu voir
L' atelier comme une tour
A peine levé la tête
Au rideau pâle de la verrière
Elle a dit qu' il ne fallait pas
Mais les murs se souviennent
De vos deux noms feulés
Entre ses bras
Contre sa bouche
C' est là que tu es née

mercredi 16 novembre 2011

Falaise


C' était lui
Papillon des granits
Dans l' oblique
Du soir qui tombait
A deux doigts d' être nu
Le dos luisant
Des salamandres
C' était moi tout à l' heure
Dans ce geste d' enfance
Jusqu' au dernier appui
Où se terre la mort
Et c' était toi
Déjà
Qui tenait ma vie
A un fil

Un frisson
Et puis juste
Comme ça
Vouloir encore
Téter le ciel

...

samedi 12 novembre 2011

Le chemin


On ne saurait faire plus modeste que ce ruban tendu entre murets et jardinets bien sages.
La pente y est douce quand le coeur est léger, âpre si la nuit le fut, où chaque foulée résonne du silence obsédant de tout ce qui n' est plus.
Huit mille cinq cent soixante allers et autant de retours, le nez dans les godasses, pour ne pas voir devant, ton sourire en hamac suspendu aux collines.
Peuplé de mots d' anciens. Des mots de tous les jours. Du chien qui gueule sa solitude. Des giroflées d' avril. Des murs bleuis de givre. L' horizon noyé de fumée.
Le sac de billes en bandoulière et des noix plein les mains, Tim y surgit parfois, au débouché de la ruelle, en diable mal débarbouillé. Les joues fripées de nuit, il me sourit sous la capuche. Pour quelques pas encore, nous avons le même âge, crachouillant la peau de nos fruits sur le chemin de l' école.
Un jour, je sais, je suis bien assez folle pour ne pas arrêter le triangle de mon pas à l' ombre des tilleuls. J' irai au bout du chemin, sans courbe et les poches vides, jusqu' à venir cogner la vague.
Jusqu' à venir toucher ta bouche.
Et chahuter ton ciel.

jeudi 3 novembre 2011

Il disait l' été n' a qu' un temps...

J' avais beau me concentrer, tordre les mains, fermer les yeux, tu ne venais pas. Ni ta gueule un peu moche, ni tes fringues de vieille anglaise, ni ta douce indulgence, rien. Envolées les après-midi de l' enfance, les bouquets de pervenche, les équipées sauvages à tortiller nos fesses juchés sur des vélos trop grands, les parties de cartes à l' ombre du cerisier, les petits Lu de tes quatre heures, ton éternel poulet à cuire et ta façon de raconter la vie...
Quand il arrivait, plus rien n' était pareil. Les rires tombaient comme les prunes qu' il fallait ramasser pour en faire des confitures parce que tout ce qui est doux et sucré doit finir dans un bocal. Les choses du coeur cuites à gros bouillons. La fantaisie rangée sur des étagères. La poésie plus néfaste que les rats.
Tu répétais après lui que la terre est carrée, le ciel un théorème, la mer un volume quantifiable.
Et que l' été n' a qu' un temps.

Une ville en jouet pour les morts. Ils ont mis ton tas d' os à la verticale. Debout, ton cercueil ressemble à une pendule qui égraine ses heures en demandant à qui le tour.
Je n' aime pas te savoir là, posée sur ce vieux général qui te racontera ses batailles dont tu n' as que faire. Je n' aime pas l' idée que bientôt la pauvre chose ahannante qu' il est devenu se couche par dessus toi. Que tu doives être sage encore. Que ta course à venir ait l' allure d' un cheval bridé. Et qu' il manque une saison à ton éternel voyage...

à Laurence