dimanche 10 janvier 2016

Impressions. Paysages minuscules ( 9 )


On marche en un tableau en cherchant le mot juste pour dire la lumière.
Les chemins sont de bois. Des pontons à bateaux qui traversent la mer, blonde, comme une tignasse d' ange dans le voile du matin, rousse, au feu des soirs d' hiver.
Ici et là, des arbres morts tendent leurs bras d' os aux oiseaux de passage et tout se mêle en ce lieu, qui n' a que faire des frontières:  la tourbe noire aux cheveux de paille; le vert profond des sapins aux blancs et frêles bouleaux; la fange au ciel et le bleu nuit des flaques à l' élégance des joncs.
Est-ce une terre, un étang ? Une steppe ? Un désert ?
On cherche le mot juste et on pense: deux lumières.
Peut-être trois quand la neige rend captive la pente douce d' une toundra étirée, comme une étoffe au vent.
Parce-qu' ici la terre se fait conque, accueillant l' eau dans ses bras de chair brune, parce qu' ici la route est tracée, de caillebotis en lisières et que je ne peux m' y perdre tant que je tiens ta main, il y a des mots qui tremblent et d' autres qu' on enfouit; la solitude est l' un d' eux, le temps qui passe aussi, sans doute.
Contrée sauvage qui porte un nom bourbeux, je reviendrai lever tes nymphes trempées de brume et tes coqs de bruyère.
Et marcher sur tes eaux comme dans mes rêves d' enfant.

12 commentaires:

  1. Cela ressemble aux hautes Fagnes des sommets de l'Ardenne, pays que j'aime et où je ne vais plus, même seul.

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  2. Cela ressemble à n' importe quel pays de terre et d' eau, où le ciel se défait sous nos pas..

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  3. Vous avez raison: il ne faut nommer ni la Patagonie, ni l'Ecosse, ni les jours qui se tiennent la main. Je me laisse choir dans vos paysages, écoutant le chuintement de mes pas dans la tourbe, calquant la solitude dans le chant de vos phrases.

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  4. Et on reste muet d'une telle évocation.

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  5. Muet ?
    Pas trop longtemps j' espère.. :))

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  6. Je ferais peut-être mieux de rester muette.... Dans ce tableau d'un espace infini, entre terre, ciel et eau, entre arbres morts et battements d'ailes, entre noirceur et lumière, des mots qui tracent l'éternel et âpre chemin vers la vie.

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  7. Laissons donc les lieux, réels ou imaginaires et ne retenons que les mots.

    Voici une terre gorgée d’eau, une terre qui ressemble à la mer. On se déplace sur des pontons à bateau et si on marche, c’est comme dans un tableau.

    Dans ce lieu où la tourbe est noire, on trouve des arbres morts, de l’herbe (comparée à une tignasse d’ange ou à des cheveux de paille, ce qui confère aussitôt au poème une dimension mystérieuse et onirique) blonde le matin ou rousse le soir.

    Il y a des sapins aussi, d’un vert profond (dont on imagine le contraste avec l’herbe blonde) et des bouleaux blancs. La poétesse, sensible à ces couleurs sobres, se fait peintre.

    Le ciel est sur la terre, reflété dans les flaques, tandis que la boue est dans le ciel sombre. Tout est inversé, ce monde est étrange, angoissant même. Peut-être est-il une steppe ou même un désert.

    Le lecteur est perdu dans cet étrange paysage où une pente enneigée fait penser à une étoffe au vent (nouvelle confusion entre la terre et le ciel)

    C’est un lieu décidément étrange où on se perdrait si on quittait la route de caillebotis. Le danger est partout. On se sent seul dans le grand silence.

    La fin du poème est superbe puisqu’elle associe les coqs de bruyère (bien réels) aux nymphes (imaginaires). De plus celles-ci sont « trempées de brume » (allusion au climat humide du lieu)

    La poétesse nous dit qu’elle voudrait revenir en ce lieu. Le lecteur le voudrait aussi et s’il ne le peut, il voudrait d’autres poèmes aux paysages infinis, pour rêver encore.

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    1. Si je n' ai pas complètement raté mon coup, sans doute du pot était-ce.. :))

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  8. C'est comme si vous écriviez sur notre peau.
    Peau était-ce :)

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