lundi 24 octobre 2016

Portraits d' asphalte ( 3 )


Il vient chaque jour. Il est là. Imposant et droit.
Il gêne un peu, debout devant la porte. On lui demande pardon. Pas à lui, à l' épais manteau noir qui descend jusqu' aux chevilles.
Une houppelande d' ombre.
Il se tourne d' un bloc, à la manière des automates. Alors seulement on entrevoit son visage.
En passant on a senti, dans le mouvement d' écharpe ramenée sur le cou par crainte du courant d' air, une odeur de vieux propre, de lavande dans un livre, de chambres closes.
Posé sur le zinc, le ballon de gros rouge qu' il tient entre deux doigts comme on le fait d' une rose, semble un cristal de Bohème.
Il est debout.
Dressé serait plus juste.
A quoi pense-t il, tandis qu' il fait face au miroir et me tourne le dos?
Que perçoit-il des bruits d' assiettes, du murmure assourdi des gens, des choses ? Se perd-il dans son propre reflet, dans les traits durs et fins, le menton volontaire et le sourire frileux? Cherche-t' il le rose aux joues de l' enfance sous le masque d' albâtre et le velours du lys sous une peau d' Atacama ?
Me voit-il le voyant, trouver beau son visage et fouiller tout au fond de l' oeil au couperet gris, un reste de fragile?

Un verre, pas plus. Il salue d' un regard. Attrape la canne à pommeau d' argent.
Fait chanter le boulevard du triple pas des sang bleu.


2 commentaires:

  1. "Il vient chaque jour" : ne serait-ce pas plutôt le soir? "À quoi pense-t-il?" : à ses lointaines forêts de Transylvanie, peut-être.... Prends garde, Agnès, à la séduction de Dracula, fais-toi un collier d'ail et pends une croix à ton cou....
    Mais je m'égare, je divague, par la magie de ton écriture...

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  2. :)) sois sans crainte, je ne me promène jamais sans rosaire et eau bénite..

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