mercredi 4 novembre 2015

Impressions. Paysages minuscules ( 7 )


On marche sous une voûte que soutiennent en grinçant des troncs couleur charbon.
Au plus profond du lit de ce qui fut rivière, le sol ondoie comme un tapis de fossoyeur. Feuilles sans sève, brindilles, écorces gorgées d' eau, macèrent en un cimetière où nul ne vient pleurer ses morts.
Laissant là le vallon rieur, les cris enroués des cabots fous, le bruit des femmes derrière les murs, des hommes gerçant la terre, on pénètre sous l' arche avec des lenteurs de noyés.
Bientôt, le silence encerclera nos oreilles ivres et chaque ombre sera fée.
Le soleil aura disparu, le ciel couché dans sa cage.
Je dois me souvenir... Etait-ce après l' arbre mort ou juste avant la dernière souche qu' un soir d' hiver il a surgi ? La fourrure rousse trempée de neige, la truffe paisible de qui sait de la vie son souffle et son linceul. Quelle cache solitaire, quelle caverne sous les mousses a t' il enfin rejoint après que son œil d' or, en un temps infini, ait pénétré le mien ?
Au bout le chemin s' élargit. Le bois geôlier entrouvre un peu les bras et la lumière nous cueille, comme crachés du Styx et plus brisés qu' un mendiant sous l' orage. Aveugles, on offre nos yeux clos à la soie du soleil.

On rentre en coupant par les champs. Les semelles sont lourdes mais qu' importe.
Nul n' a jamais osé remonter la nuit à contre courant

4 commentaires:

  1. Le souvenir, pourtant, c'est cette nuit que l'on remonte lentement, pour attraper le jour précédent - ce renard qui ne s'enfuit pas car le monde du passé est silencieux.
    Hier est mystérieux. Et votre alléchant bois geôlier est fait de bois-joli.

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  2. Très beau, très mystérieux. Et toujours l'élément aquatique qui vous est cher, car cet ancien lit de rivière reste fort humide à l'ombre de arbres qui le surplombent. Puis il y eut ce renard dont le regard pénétra le vôtre en un "temps infini". On vous sent si proche des éléments naturels...

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  3. Et dans ce passage obscur recouvert de la soie du jour, le Maître et ses fables, fables des ombres, légendes des brumes, le Renard qui ruse avec le temps et ses métamorphoses.

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  4. Ce chemin hors du temps, où l' automne s' attarde trois saisons sur quatre et où goupil s' accouple avec des nymphes, porte un nom sur lequel sèchent les amateurs de toponymie: vallée de l' avocat :)

    A tous trois: merci..

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