samedi 12 mars 2016

Impressions. Paysages minuscules ( 12 )


Par trois fois les lèvres se tendent. On souffle sur des plumes.
Rien que son nom est un baiser.

On ne sait ce qui prit un matin au clair vallon de construire en ses flancs un donjon.
S' enturbanner de douves. Choisir un creux mangé de mousses quand partout alentour le pouvoir et la force s' érigent sur des mottes, quand les pierres, les ardoises lèvent un poing minéral pour contraindre les nues. Défendre... Se défendre de quoi, dans cette niche de verdure, sinon de quelques crapauds pansus, de frêles papillons ou d' apprentis corbeaux ? Se battre contre qui dans ce val de coton protégé de collines, boisées et douces comme un ventre de femme ?
Il fallut un avril, sans doute, pour transformer ce caprice d' enfant querelleur en folie souriante et paisible; à faire des murailles un logis, des archères une trouée de fenêtres, des caves poissées de salpêtre un cellier au parfum de coings et d' oranges. Les fossés se couvrirent de fleurs. La cour se fit ferme bruissante et nul engin hideux n'y vint jamais cracher sa nuit.

La drève en majesté se déroule devant nous comme un tapis d' église.
Sous nos pas des motifs de feuillage, hérissés de soleil, font vitrail.
C' est l' été de la saint Martin. Un goût de dernière fois. Dernier azur lavé de frais. Dernière torche de soleil. La rouille et l' or barbotent dans l' étang bleu sombre, sous l' oeil aimant des saules. L' herbe a des verdeurs de printemps. Des terrasses dégringolent de jaunes chrysanthèmes, débarrassés de leurs manteaux de morgue. C' est trop, c' est sûr. Novembre en fait mille fois trop, qui offre sa lumière d' orage pour être le dernier à flamber les beaux jours.

C' est l'été de la saint Martin. Les dimanches sont si courts.
Demain reviendra l' ombre.





7 commentaires:

  1. "Ah! Les beaux jours!"
    Je retournerai là où tu sais à l'été de la Saint-Martin pour le voir mieux, le donjon, à la belle lumière de ce texte...

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  2. Je corrige : Oh au lieu de Ah!

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    1. Oh ! ( pardon " Ah ! " ) ça change tout.. pour un peu, je me vexais.. :))

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  3. Mazette Agnes ! C'est à pleurer de rage de n' avoir pas soi-même écrit ce texte. Dieu que c'est beau !

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    1. Ou à pleurer tout court pour celle qui l' a écrit.. :))

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  4. Comme un battement de paupières dans la nuit.

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  5. Un coup d'oeil qui éparpille les images et dissémine l'histoire. Un regard qui fabrique l'image. Une émotion qui construit l'histoire. Votre tendresse apporte leur substance aux mots.

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