jeudi 14 avril 2016

Impressions, paysages minuscules ( 13 )


Autour, il n' y avait rien. Que des friches ceinturées de fleuve. Quelques moutons pavides, une ferme égarée. J' ai pensé à mon quartier d' enfance. La même insignifiance, la même fadeur modeste. De ces lieux où les gens font le paysage plus que les collines et les pierres. Où l' Histoire se limite à l' empan d' une vie.

Sa rue est un long mur percé de fenêtres et de portes closes. Le ciel est au delà.
Il faut se poser un moment ou bien longer l' usine et ses courants d' air pour sentir à nouveau le plomb, la graisse, la soupe.
Il faut percer le silence pour entendre les femmes, le sourire large, le regard grave, dans un long cri de poings levés. Fermer les yeux pour voir les hommes, armés de cannes à pêche, s' en aller ferrer le vieil horizon congestionné.
Alors, les gamins sortent leurs tartines sur des jardins d' asphalte, les vieux les regardent du seuil, les jeunes s' apostrophent et les maisons se tiennent par la main.

Sa rue est une longue façade que n' interrompt qu' une porte. Une simple porte à croisillons. Elle sent le bois et le travail bien fait du dimanche. Derrière, je ne sais pas. Un couloir à l' air libre. Un trou dans le gris. Une ville et ses lucioles... Et j' ai pensé voilà, il est d' ici, d' une maison humble et haute où la rue entre par les fenêtres.

Il faudrait la pluie pour l' écrire.

Il faut la pluie pour dire l' enfance et tous nos berceaux démâtés.

8 commentaires:

  1. Que dire quand la simplicité de vos mots travaillés à la fraise de dentiste parvient si précisément à pleurer l'ambiance d'un lieu, d'un souvenir? Que dire quand l'exactitude du choix des mots rejoint si bien l'intention?
    Rien.Le lecteur que je suis se laisse traîner ou danser.

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    1. ...............
      ..........

      ( un p'tit moment déjà qu' il trainait dans mes tiroirs celui-là, à me demander qui ça pourrait bien faire swinguer, alors ces mots... ) :)

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  2. Rien à dire, et ce qu'a dit JC, Il l'a mieux dit que je pourrais le dire. Le style.

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  3. Heureuse de te voir entrer dans la danse.. :)
    Merci !

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  4. Eh ben il est des tiroirs qu' on aimerait siens.

    Ce village est le mien, le nôtre, celui de chacun.

    Je vais envoyer ce poème à chacun de mes collègues du conseil municipal. Pour les faire danser eux aussi :)
    Comme tous n'ont pas forcément une fréquentation de sites littéraires (même peut-être aucun ) je mettrai, si vous le permettez, votre nom en entier avant le nom du site.

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  5. Si je réagis ainsi, c'est parce que s'écrit en ce moment, avec une géographe urbaniste, le Plan Local d'Urbanisme (PLU) du village où j'habite.

    Et cet extrait 13 qui peut se lire seul, comme chacun des 15 qui composent pour l'instant votre long poème "Impressions, paysages minuscules", résonne très fort et j'ai envie de le partager avec des personnes que je côtoie :)

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  6. Vous leur en voulez donc tant que ça.. ? :))

    Servez-vous, Michèle...

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