vendredi 23 décembre 2011

Krav maga

Va savoir pourquoi le nom fit aussitôt surgir devant mes yeux l' image d' une tribu Mongole, avec ses yourtes, ses hommes aux pommettes saillantes montés sur de petits chevaux solides. J' ai entendu le vent des steppes, senti sur mes lèvres le goût âcre de l' aïrag. Roulé dans la prairie parmi des enfants hilares...
Une fois de plus, les mots se riaient de moi: le Krav maga est à la quiétude des nomades ce que le néon clignotant de cette salle des fêtes de province est au soleil levant sur les cimes de l' Altaï: entre eux, un désert plus grand que celui de Gobi...

Le Krav maga c' est un truc pas très compliqué. Il suffit de taper sur quelqu' un, indifféremment jeune, vieux, mâle ou femelle, bref, de cogner le plus fort que tu peux avec les poings, avec les genoux, les pieds et tout ce qui te tombe sous la main, chaise, table, tesson, caillasse... Tu peux continuer de frapper la personne à terre, mordre ou casser un bras, même tenter le coup du lapin si tu es d' humeur badine. C' est la meilleure réponse au langage de la rue a dit celui qui se prenait pour le chef, encourageant ses soldats qui se foutaient sur la gueule devant nos sourires crispés. Génitales était le mot qu' il hurlait sans cesse dès que l' un d' eux oubliait de soustraire son pauvre piaf à l' oeil sanglant du rapace.
Pour que l' on comprenne vraiment bien, il avait mis au point tout un tas de petits scénarios très drôles, sortes de westerns citadins, où un gros plein de fric se débattait comme un brave, face à une bande de voyous armés de pistolets en caoutchouc. Self défense rapprochée oblige, le gros, malin comme tout, jouait l' affolé, tripotant ses poches en balbutiant ok mec je te donne tout, le code, la carte et quand la petite frappe qui y croyait dur comme fer ( l' imbécile..) tendait le bras, vlan, un grand coup asséné dans ses génitales lui faisait regretter d' avoir laissé pendouiller sans défense ce qui, il y a deux secondes à peine, était encore un objet de fierté.
Une vague nausée m' envahit et je fermais les yeux. Ne pouvant m' extraire sans risquer la prise d' otage, je comptais les coups comme des moutons qu' on mène à l' abattoir, jusqu' à ce qu' une voix providentielle annonce le dernier combat.
L' intrigue ne différait guère des précédentes devant l' éternelle tirette à billets et j' aurais pu réciter les dialogues par coeur ( ton fric enfoiré, magne-toi putain...) tant je commençais à en maîtriser la substantifique moëlle. C' est alors que celui qui jouait le gros malin, emporté par son élan, se mit à crier ok mec, je te donne tout, le code, la carte et..et... ne me fais pas de mal, j' ai un gosse moi, j'ai des femmes!
Aïe ! La sienne, la vraie était dans l' assistance. A la voir, comme ça, on la devinait aussi pourvue d' humour que son mari de talent en matière d' improvisation théâtrale.
Je n' ose imaginer la façon qu' elle eut de lui prouver, en coulisses, qu' elle avait bien compris la leçon...
Sans doute en resteraient-ils là de leur progéniture...

6 commentaires:

  1. Voilà qui est dit. Pourquoi faire plus long ?:)

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  2. Un conte cruel, qui rompt avec l'ensemble des textes précédents et qui vient apporter sa petite touche inquiétante.

    Bon, à part cela, qu'est-ce qu'on fait quand on a lu l'ensemble, depuis le mois d'août? On attend la suite? (sourire)

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  3. ... comme un enfant sage :)

    Merci encore Feuilly, merci pour tout cela..

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  4. On aurait pu croire un kourgane sur le haut plateau d'Oukok, au lieu de quoi c'est un "Béhémot", cet animal dont parle Diderot dans son Encyclopédie.

    Cette bête terrifiante qui gît en chacun de nous :)

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  5. Votre imagination aime aussi à galoper au rythme des chevaux mongols ?
    Gengis Khan était il un adepte de Krav maga ?-)

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